JONNY APPLESEED, un roman de Joshua Whitehead.


Vivant hors réserve et cherchant tant bien que mal à s’acclimater à la vie urbaine, Jonny devient travailleur du cybersexe pour gagner sa vie. Il a devant lui très exactement une semaine avant de devoir rentrer à la réserve pour assister aux funérailles de son beau-père.
Les sept jours qui suivent se déclinent comme un rêve enfiévré : histoires d’amour, traumatismes, sexe, liens familiaux, désirs et ambitions, souvenirs déchirants de sa kokum (grand-mère) si chère, etc. La vie de Jonny consiste en une série de ruptures, mais aussi de liens inextricables. Tout en se préparant au retour à la maison, Jonny tente de rassembler les divers morceaux de sa vie.

Je continue mon exploration de la littérature des Premières Nations et ce roman a une aura singulière. Une aura émouvante qui m’a entrainée aux côtés d’un héros, cela serait mal de dire non-conformiste, un héros lumineux et transcendant.
Jonny a grandi dans la réserve. Auprès de sa kokum (grand-mère), une femme extraordinaire et attachante. Jonny est ce petit garçon particulier qui découvre très tôt qu’il aime les hommes, il aimera plus tard, en grandissant, devenir une femme. La réserve est un endroit malsain où cette particularité irrite au plus haut point. Les sarcasmes, les moqueries sont ouvertement balancés. Jonny s’épanouit malgré tout et devient cet homme/femme assumé qui va s’extraire, un peu, de son monde. Il quitte la réserve et s’installe en ville. Pour survivre, manger, boire de l’alcool, pour s’amuser, pour fumer, il devient un travailleur du cybersexe. Le décès de son beau-père déclenche ce quelque chose d’improbable. Telle une « madeleine de Proust », les souvenirs de son enfance, de son adolescence, de sa kokum, de sa mère, de ses amis, surgissent tel un flot parfois mélancolique, joyeux, tendre.

 

Jonny se définit comme un NDN (indien) bi-spirituel. Un terme moderne au sein d’une nation qui par son anéantissement prend la mesure de la singularité.

 

C’est un roman dont il m’est difficile de mettre les mots. Un roman qui est à la fois déchirant et merveilleux. Un roman dont sa force tire du passé et du présent, à la conjecture de deux mondes qui s’entrechoquent encore aujourd’hui mais où les perdant son désignés. Il y a cette notion de hargne, de s’affranchir et de s’autoproclamer. Il y a cette notion de temps qui fuit et qui retient, un préjudice qu’ils acceptent. Une lecture qui va au-delà des aprioris, qui va bien, bien, au-delà de l’identité, qui va au-delà de toute beauté, de toute laideur, un roman tout simplement magnifique.

 

Un roman qui puisse sa force inaltérable dans cet instant T et dans ces instants du passé. Un roman tournait, malgré toute cette douleur, vers le futur insufflant cet espoir véritable.

 

Joshua Whitehead retient le lecteur en captivité, s’épanchant avec malice et surprise sur sa vie polychrome.

 

Un roman bluffant et sans filtre !

 

Il y a de ces sons qui me font toujours mal et l’un d’entre eux est le son de ma mère qui pleure. On dirait qu’elle est toujours en train au téléphone avec quelqu’un qui est soit mourant soit souffrant, ou qui connaît quelqu’un qui l’est. Il n’y a pas assez de blagues dans le monde pour que j’arrête de ressentir. Je crois que c’est pour cette raison qu’elle prend un coup et pour la même raison que je fais pareil des fois. Mais malgré ses épisodes de débauche, j’adore me retrouver avec ma mère. Comme avec ma kokum, j’avais l’habitude de l’observer se maquiller pour ses soirées, et le processus me plaisait d’autant plus que Maman optait souvent pour un look plus drag que naturel. Elle avait le don pour l’expérimentation quand venait le temps de se refaire la face au complet avec des produits de pharmacie et un moignon de crayon à lèvres gros comme un ongle. ma mère tirait une grande fierté de sa routine maquillage. Un soir, elle m’avait méticuleusement expliqué sa méthode.

 

Une chronique de #Esméralda

L’AUTRE MOITIE DE SOI, un roman de Brit Bennett.


Quatorze ans après la disparition des jumelles Vignes, l’une d’elles réapparaît à Mallard, leur ville natale, dans le Sud d’une Amérique fraîchement déségrégationnée. Adolescentes, elles avaient fugué main dans la main, décidées à affronter le monde.
Pourtant, lorsque Desiree refait surface, elle a perdu la trace de sa jumelle depuis bien longtemps : Stella a disparu des années auparavant pour mener à Boston la vie d’une jeune femme Blanche. Mais jusqu’où peut-on renoncer à une partie de soi-même ?
Dans ce roman magistral sur l’identité, l’auteure interroge les mailles fragiles dont sont tissés les individus, entre la filiation, le rêve de devenir une autre personne et le besoin dévorant de trouver sa place.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Karine Lalechère

Je suis très heureuse d’avoir pu découvrir le dernier roman de Brit Bennett grâce à Babelio et aux éditons Autrement. J’ai eu la chance même de pouvoir rencontrer par visio l’auteure avec 29 autres camarades lectrices et lecteurs. Trop intimidée je n’ai pu poser mes questions, mais cela restera un moment mémorable. Et j’ai beaucoup appris sur les coulisses de ce roman.
Mallard est une petite ville utopique (peut-être pas) où les habitants suivent une règle très simple : ne jamais se marier avec plus noir que soi. La culture du blanc est une question d’héritage et de rêve un peu fou que l’Homme Noir devient l’Homme Blanc. État du Sud qui a souffert du ségrégationnisme, les souvenirs demeurent d’un temps qui se tait. Mallard, à part cela n’a rien d’exceptionnel. Des hommes et des femmes qui travaillent souvent pour des blancs et d’autres à la raffinerie. Une ville modeste typiquement américaine, éloignée d’un peu tout, où la vie sociale s’organise autour de l’église et des différents événement qui l’animent. Le rêve américain est loin de faire des émules, seule la triste réalité demeure. Stella et Desiree, deux jumelles qui rêvent à un ailleurs où tout est possible, fuguent. Commence ainsi leur histoire semée d’embûches et qui va les mener à leur destin. Deux chemins de vie pour deux perceptions complexes. L’une revient dans sa ville natale avec dans ses bras une jolie petite fille, Jude, aussi noire que les ténèbres. L’autre disparaît de la circulation faisant de sa vie un mensonge.

 

Brit Bennett explore l’identité de chaque jumelle avec franchise effrayante. Sondant l’âme humaine, elle met en lumière un fait de société le passing qui consiste, antre autre, aux personnes de la communauté noire de se faire passer pour Blanc. C’est quelque chose d’assez étonnant, d’un côté la communauté noire fière de ses origines et de l’autre cette communauté noire qui se camoufle. Est ce une conséquence du traumatisme ségrégationniste ? Brit Bennet joue avec subtilité et malice avec les couleurs conférent un roman lumineux et impressionnant. Elle joue également avec le temps, entre passé et présent et futur, elle met en exergue les liens intergénérationnelles et les secrets familiaux. Les conséquences prises tour à tour se répercutent sur leurs filles respectives. Jude devient une jeune femme noire ambitieuse et sûre d’elle. Une confiance qu’elle accorde dans un monde atypique où un autre passing est mis en lumière. La quête identitaire se poursuit auprès d’autres personnages où le genre ne se définit pas au sexe. Kennedy, fille de Stella, a toujours vécu dans un monde dorée où l’apparence est primordiale. Accaparée par les secrets de sa mère, Kennedy a du mal à se définir. Sa quête identitaire la porte dans de nombreuses aventures qui ne s’arrêteront que lorsque le secret sera éventé. Les silences, les non-dits contre l’exubérance, l’affirmation de la couleur. Un paradoxe et un duo totalement envoûtant.

 

Brit Bennett signe un roman exaltant sur la quête identitaire sans oublier des plus clin d’œil sur la ségrégation. Un roman puissant et obsédant sur l’origine et le devenir. Un roman singulier qui étonne par son thème auquel, en France, il est impossible de concevoir. Un roman magnifiquement écrit dont bien évidemment j’en sors éblouie.

 

A travers la ville, d’autre couples faisaient la même chose. Des adolescents se bécotaient sur des couvertures à la plage, le fracas es vagues qui se brisaient sur le sable en bruit de fond. Des jeunes mariés se dévêtaient dans une chambre d’hôtel. Un homme murmurait à l’oreille de sa maîtresse. Une femme brune dont le visage se reflétait dans la fenêtre de sa cuisine approchait une allumette d’une fine bougie. A travers la ville l’obscurité et la clarté.

 

Une chronique de #Esméralda

JAZZ A L’ÂME, un roman de William Melvin Kelley.


Ludlow Washington est né différent, aveugle. Abandonné à cinq ans aux mauvais traitements d’une institution, il endure les brimades jusqu’à ce que ses prodigieux talents de musicien lui offrent un ticket d’entrée dans le monde. Un monde auquel il n’est pas préparé, et où il doit apprendre la vie à tâtons. Il devient dès lors la propriété de Bud Rodney, le chef d’un orchestre qui se produit au Café Boone, à New Marsails, une petite ville du Sud.
Bientôt lassé par le répertoire limité et suranné de Rodney, Luddy emboîte le pas aux pionniers du Jazz et part à la conquête de la scène new-yorkaise, où il invente un nouveau son et devient vite une icône de l’avant-garde de Harlem. Mais la musique ne suffit plus à adoucir ses démons intimes. Désorienté par la mémoire de son enfance volée, meurtri par les trahisons amoureuses, Ludlow est hanté au point de vaciller.
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Éric Moreau.

William Melvin Kelley dépeint avec une infinie justesse les tourbillons de la vie. La musique est ce témoin silencieux des aléas et des turpitudes qui s’enchaînent au cours de la vie qui ne lui a jamais offert de cadeau. Aveugle de naissance, le jeune Ludlow est placé dès ses cinq ans au sein d’un institut qui accueille les garçons du même profil.
Une période de sa vie où la maltraitance fait d’office de quotidien. Au delà de cela, il y apprend la musique et lorsque Ludlow joue c’est merveilleux. Un don qui l’alimente au point d’atteindre la perfection. Un don qu’il ne veut pas spécialement, mais il ne sait faire que ça, jouer de la musique. Alors il s’y applique avec générosité et patience. Les notes virevoltent dans ces ténèbres nuancées d’odeurs et de formes devinées. Ludlow grandit tant bien que mal. Un homme peu scrupuleux et chef d’orchestre le sort de cet endroit sinistre. Son quotidien change radicalement, une nouvelle vie. Ludlow découvre alors la ségrégation, les femmes, les choses de la vie. D’une naïveté touchante, Ludlow comprend vite que la société est un champ de mines et qu’à la moindre inattention, tout peut basculer dans l’horreur. Futé et intelligent, il tâtonne sur ce chemin de la découverte. Devenant ainsi un jeune homme sûr de lui, sa confiance en lui s’épanouit. Prenant son destin en main, il va s’émanciper et devenir le grand musicien.

 

Je découvre pour la première fois la plume de William Melvin Kelley. Un auteur qui a su me toucher en plein cœur. L’honnêteté résonne au sein de ses mots. Elle vrille le cœur et l’âme et c’est avec avidité que j’ai suivi la vie de Ludlow, cet homme au cœur tendre. La musique, mélodie quasi présente, est autant un appui qu’une malédiction. Enchaîné à ces notes, les sentiments sont une bourrasque déstabilisante. Peur de l’abandon, peur de l’attachement, sa construction sentimentale est bancale. Ses doutes et ses errances le plongent dans un long marasme dont il n’en sortira pas indemne.

 

Un roman puissant ! Une histoire hypnotisante ! Un Ludlow captivant. Héros d’une société à deux vitesses où la musique efface les différences et émeut. Une musique fascinante où la puissance des notes tentent de conjurer le sort.

 

A découvrir absolument !

 

D’autres lieux plus accueillants l’attendaient. Peut-être trouverait-il la petite église de quartier à laquelle il aspirait, ou bien une chapelle dressée au bord d’un chemin de terre dans le Sud, à peine plus grande qu’une cabane, fréquentée par une douzaine de fidèles, privée d’un orgue pour encourager leurs voix tremblantes et haut perchées à porter les mélodies de leurs cantiques. Un endroit comme celui–là aurait besoin d’un bon musicien.

 

Une chronique de #Esméralda

LA FEMME INTERIEURE, un roman étonnant de Helen Phillips.


Molly participe à des fouilles dans une ancienne station-service. Elle déterre un jour des objets dont la nature perturbe sa conception d’un univers logique, comme cette Bible où Dieu est au féminin. Chez elle, Molly doit affronter une situation tout aussi perturbante : son mari a dû se rendre à l’étranger pour donner un concert, la laissant seule avec leurs deux enfants en bas âge. Mais voilà qu’un soir elle entend des bruits de pas dans le salon…
Un intrus surgit alors dans sa vie, un intrus très particulier, puisqu’il s’agit… d’elle-même ! Une Molly identique, à une différence près : cette Molly-là a perdu ses deux enfants dans un attentat sur son lieu de travail. Débordée par son rôle de mère, Molly se retrouve confrontée à une femme qui veut récupérer ses enfants à tout prix. Les deux Molly sont-elles les deux facettes d’une même femme au bord de l’effondrement, ou la trame de l’Univers s’est-elle vraiment déchirée ? Deux mères presque semblables peuvent-elles cohabiter…
Avec ce roman palpitant, Helen Phillips réussit un tour de force : traiter le lien maternel dans ce qu’il a de plus concret tout en créant un climat haletant, ponctué de rebondissements aussi ingénieux que troublants.
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Claro.

LA FEMME INTERIEURE est sans contexte un roman à découvrir et à se faire sa propre idée. Un livre qui divise, qui bouleverse, qui subjugue, qui effraye, qui rebute. Pour ma part j’ai tout simplement adoré cet inconfort qui s’installe dès les premières pages et qui prolifère au fil des chapitres.
Dès le départ il est difficile de savoir sur quel pied dansé. Je suis vite bourlinguée dans cette histoire qui semble aux premiers abords vraiment dingue. Et puis y ce qui clash, cette apparition. Fiction ou non ? Il me faut faire avec et apprendre à valser avec la plume captivante d’Helen Phillips.

 

Un roman dérangeant, dangereux, douloureux mais tellement magnifique. Helen Phillips nous plonge dans les affres quotidiennes d’une femme, cette mère qui doit faire face à deux petits chenapans. La maternité, la relation maman-enfants et maman-papa n’échappent pas à l’œil acéré de l’auteure. Les petits détails qui font sourire, qui font grincer les dents, un tableau envoûtant et parfois répugnant. Une maman a ses faiblesses, elle n’est ni parfaite ni exceptionnelle. C’est une femme avant tout qui tente du mieux qu’elle peut d’élever ses enfants selon un modèle social et principes moraux. Helen Phillips y décrit avec candeur et une honnêteté sans faille les méandres de cette relation fusionnelle et éternelle. Cette histoire aurait pu être assez banale si la même femme si différente et si identique n’apparaissait pas. Et là il faut tout reconsidérer et être attentif à certains mots clefs qui fleurissent ici et là.

 

Et si cette histoire n’était pas ce qu’elle paraît ?

 

J’ai longtemps réfléchi après avoir refermé ce livre à ce qu’il se cachait sous ces métaphores, ces imbroglios, ces illusions, ces mots puissants. Après moult conjectures, je reste convaincue que cette histoire cache un sujet bien plus intense et qu’il ne faut pas s’arrêter à cette déstructuration voulue et plutôt bien imagée et réussie. La psychologie du personnage mérite toute attention et il faut aller au-delà des apparences. C’est ainsi qui m’est apparue comme une évidence la notion des cinq étapes du deuil : le déni, la colère, le marchandage, la dépression et l’acceptation ; que j’ai associés aux cinq parties du roman. Évidence ?

 

Une lecture de toute beauté qui ne m’a pas du tout laissé indifférente. Une lecture atypique par sa construction, par son audace et pas son thème. Une lecture qui fait encore battre mon cœur et qui y restera longtemps.

 

Je terminerai par la dernière phrase du roman qui résume en ces quelques mots son intensité et son pouvoir.

 

Mais les enfants ne s’inquiétèrent pas, car ils étaient avec elle, en sécurité, et elle les portait de l’avant.

 

Une chronique de #Esméralda

Une lecture du Picabo River Book Club

A TROP AIMER, un roman bouleversant de Alissa Wenz.


Elle le rencontre, et c’est un émerveillement. Tristan est un artiste génial qui transforme le rêve en réalité. À ses côtés, la vie devient une grande aire de jeux où l’on récite des poèmes en narguant les passants. Il ne ressemble à personne, mais cette différence a un prix. Le monde est trop étriqué pour lui qui ne supporte aucune règle.
Ses jours et ses nuits sont ponctués d’angoisses et de terreur. Seul l’amour semble pouvoir le sauver. Alors elle l’aime éperdument, un amour qui se donne corps et âme, capable de tout absorber, les humeurs de plus en plus sombres, de plus en plus violentes.
Jusqu’à quel point ? Au point de s’isoler pour ne plus entendre les insultes, au point de mentir à ses proches, au point de s’habituer à la peur ? Est-ce cela, aimer quelqu’un ?
Un premier roman d’une rare justesse sur l’emprise amoureuse.

Définition aimer :
  • 1.
    Éprouver de l’affection, de l’amitié, de la sympathie pour (qqn).
     
  • 2.
    Éprouver de l’amour, de la passion pour (qqn).
Quand on lit la définition de « aimer » dans le dictionnaire, ce verbe promet monts et merveilles, délices et passions. En aucun cas il est fait mention de la perversité de ce verbe, de ce qu’il induit, de ce qu’il réserve. Alissa Wenz aborde avec une infinie sagesse et un tact hors norme, la facette de l’amour destructeur, toxique.

 

Elle l’aime au premier regard, violemment, intensément. Une réciprocité digne des plus belles histoires de princesses. Un amour fort, puissant, prenant, ultime. Deux âmes, deux corps qui se rencontrent dans la multitude d’étincelles, celles qui créent le big-bang des émotions et des sentiments. Une valse conduite sur le même tempo. Un rythme charmant, passionnel où chaque geste, chaque mot sont une magie envoûtante. Un pas après l’autre, l’émerveillement constant. Lui photographe, elle chanteuse. Un monde d’artistes pour un monde d’artiste où les nuits s’étiolent aux rêves fous des amoureux. Et puis un jour un mot malvenu, un regard assassin, des cris, des mots plus forts attaquant l’âme, l’engrenage est en marche.

 

Elle se plie à ses volontés, à son humeur, à sa manière de vivre, à son rythme l’éloignant au final de tout son entourage. Les questions sans réponses fleurissent, l’impression d’être la seule responsable, les larmes qui deviennent des rivières, le sommeil qui fuit, l’obligation d’être absolument là, partout, de se plier à ses exigences pour éviter ses crises. Elle n’existe plus qu’au travers de ses états, de cette démesure, anéantissant le peu d’elle, le peu d’elle.

 

La maladie, comme excuse, la maladie qui empire mais n’excuse plus rien. Les corps qui s’aiment au cœur de cette violence abyssal, les âmes souffrantes, déchirées qui ne vivent plus.

 

Ce elle, ce il, c’est nous, c’est vous. C’est l’amour passionnel, destructeur. Celui qui devrait se vivre dans l’explosion de couleurs, s’engouffre dans le noir absolu. Un roman percutant, douloureux, mais si beau dans ces mots qui dissent tout et rien. Ces mots qui sonnent, qui martèlent les âmes comme un S.O.S qui sèment le chaos désespérant. Alissa Wenz signe un premier roman terriblement éprouvant. Une finesse perfide et sublime qui rend hommage à ses femmes qui on dit STOP et encourage celles à se poser des questions, à ouvrir les yeux et enfin à franchir le pas, le premier pas. Un roman incroyable qui fait mal et qui émerveille. Alissa Wenz rentre dans la cour des grands avec un premier roman cinglant.

 

Vous l’aurez compris, je ne peux que vous recommandez ce roman Je pourrai vous en parler pendant des heures, mais je vais me contenter de ces quelques mots. Ouvrez-le, vous serez conquis !

 

Il vint. Il aima mes chansons. Il m’aima.
Il aima mes textes tissés de ratages sentimentaux, de tendresse voluptueuse, de volcans inassouvis.
Il aima mon engagement sur scène.
Le soir même, il m’envoya un message dans lequel il me disait à quel point le concert l’avait bouleversé, atteint. Une claque, pour ainsi dire. « Tu es violente, tu sais. »
Ces mots provoquèrent en moi des frissons sans égal, charnels, animaux.
Il n’y avait aucun doute : Tristan était violemment épris.
Une chronique de #Esméralda

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… le site des éditions Denoël

… mon avis sur un récit d’Alissa Wenz, clique sur la photo pour le découvrir.

NICKEL BOYS, un roman poignant de Colson Whitehead.


Prix Pulitzer 2020
Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le jeune Elwood Curtis prend très à coeur le message de paix de Martin Luther King. Prêt à intégrer l’université pour y faire de brillantes études, il voit s’évanouir ses rêves d’avenir lorsque, à la suite d’une erreur judiciaire, on l’envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s’engage à faire des délinquants des « hommes honnêtes et honorables ».
Sauf qu’il s’agit en réalité d’un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve toutefois un allié précieux en la personne de Turner, avec qui il se lie d’amitié. Mais l’idéalisme de l’un et le scepticisme de l’autre auront des conséquences déchirantes.
Traduit par Charles Recoursé.

La chronique de #Esméralda :
Je découvre pour la toute première fois la plume de Colson Whitehead. Si UNDERGROUND RAILROAD a fait beaucoup parlé, NICKEL BOYS va en être de même. Deux Prix Pultizer pour un auteur qui, sans doute, confirme son talent d’orateur.
Basé sur des faits réels comme tant qui ont jalonné cet immense pays, la Nickel Academy est le fleuron d’un ségrégationnisme qui en 1960 fait toujours des ravages. Lisa Parks, Martin Luther King, tout autant de figures qui clament haut et fort les injustices raciales. C’est dans cet esprit là que Elwood Curtis a été élevé. Sa grand-mère, femme dévouée, aimante et d’une honorable justesse, est prête à touts les sacrifices pour le bonheur de son petit fils. Elwood est un jeune homme curieux qui aime apprendre, un peu naïf. Il dévore les livres et les paroles de Martin Luther King dans lesquelles il y trouve beaucoup d’espoir. Rentrer à l’université est son rêve et il aura fallu de peu pour qu’il se réalise. Au mauvais endroit au mauvais moment et sa vie bascule en enfer. Jugé et condamné à intégrer la Nickel Academy, Elwood ne voit que le meilleur. Pourtant sous ce verni qui n’a rien de flamboyant se cache l’horreur, l’humiliation, les coups, les manipulations, les privations et le désespoir. Il y connaît le fouet, les lieux sordides qui anéantissent peu à peu sa lumière. Pourtant il suit les recommandations à la lettre, se plie aux règles, ne créent pas de débordements, malgré cela le pire arrive. Il y fait une rencontre déterminante, une de celles qui marque le corps et l’âme, Turner. Un jeune homme qui ne croit plus en rien, les petites magouilles et la survie sont devenus son quotidien. Le temps s’écoule, morne et destructeur, jusqu’à ce jour fatidique.

 

Voici une histoire douloureuse et poignante portée par une plume qui ne peut pas laisser indifférente. Une histoire qui déchire l’âme en une multitude de morceaux. Les mots s’écoulent telle une triste réalité exorcisant l’horreur, l’injustice de n’être qu’un noir parmi tant d’autres. Un roman puissant, intense, où les secondes valent une éternité. Un roman court qui vise l’essentiel. Un orateur tourmenté, anéanti qui crie les blessures invisibles, qui hurle et vomit l’indescriptible. Souvenirs souverains au cœur d’une vie qui ne ressemble plus à aucune. Devoir de mémoire qui s’étiole au grès de nouveaux slogans modernes. Au cœur de l’Amérique de Trump, Colson Withehead abat son poing sur la table et joue carte sur table, devenant un porte parole dont ses mots reflètent sa pleine sagesse.

 

Un roman à découvrir inévitablement et incontestablement.

 

20200927_181556L’avis de #Lilie : J’avais beaucoup entendu parler de Colson Whitehead, j’ai même « Underground railroad » dans ma pile à lire, mais jusqu’à la sortie de son dernier roman, je n’avais pas pris le temps de le découvrir. J’ai comblé cette lacune grâce à un partenariat entre le Picabo River Book Club et les éditions Albin Michel et est découvert un roman fort, marquant, qui ne peut laisser le lecteur indifférent.
Nous faisons connaissance avec le jeune Elwood. Élève brillant, idéaliste, il vit en Floride ségrégationniste mais veut croire que le discours de Martin Luther King ou l’évolution des lois conduira à une égalité entre les blancs et les noirs. Victime d’une erreur judiciaire, il va découvrir la Nickel Academy et les aspects les plus sombres de l’âme humaine. Son idéalisme et son désir de justice survivront-ils à ce séjour ? La société américaine est-elle prête pour plus d’égalitarisme ?
Elwood est un protagoniste très attachant, qui m’a beaucoup touché car c’est un idéaliste, qui pense que le changement des lois entraînera automatiquement une évolution des mentalités. Pourtant, l’âme humaine n’est pas ainsi constituée et il va se rendre compte que l’égalité au sein de la société américaine est une utopie. A Nickel, il va découvrir un environnement violent, basé sur l’arbitraire et pas vraiment sur le mérite. Adepte de l’excellence, il va essayer de s’élever au-dessus de la médiocrité et de faire entendre sa voix… mais à quel prix ? 
Beaucoup le disent, je le confirme ! La plume de Colson Whitehead est percutante, directe et sans filtre. Cette histoire, tirée d’un fait réel, m’a, à de nombreux moments, glacé le sang. Très visuelle, l’écriture de l’auteur nous rend témoin de cette époque où l’égalité ne semblait pas à l’ordre du jour. Elle nous montre aussi à quel point l’être humain peut être cruel dès qu’il a un peu de pouvoir. Le sentiment d’injustice est fortement présent et ne peut que révolter le lecteur. A la lumière de l’actualité, ce roman trouve un fort écho et montre à quel point le chemin à parcourir est encore long.
Récompensé par le prix Pullitzer 2020, ce titre de la rentrée littéraire est, sans nul doute, un incontournable pour tous les amoureux de justice et d’égalité. Il met en lumière l’horreur de la Nickel Academy mais aussi l’importance de la force de caractère et des valeurs comme le travail. 

CARNAVAL, un roman de Hector Mathis.


Lorsqu’il apprend qu’il est atteint d’une maladie incurable, Sitam quitte tous ceux qui partageaient son existence. Quelques mois plus tard, conscient de son erreur, il cherche à retrouver sa compagne. Mais après de multiples tentatives infructueuses, il se résigne à mener une vie solitaire. Alors qu’il semble abandonner tout espoir, un coup de fil de son vieil ami Benji l’oblige à quitter Paris pour revenir dans sa banlieue natale : la grisâtre.
Un des leurs est mort. Il faut l’enterrer. Ce voyage en banlieue replonge Sitam dans le passé et son enfance. Ils étaient un groupe de copains qui ont grandi entre la déconne, les problèmes d’argent et une soif immodérée d’aventure. Sitam retrouve ses anciens compères, s’aperçoit de l ’attraction qu’exerce sur eux la banlieue et de la dureté de l’existence qui s’est imposée à eux…
Carnaval est la suite de K.O. mais il peut se lire sans avoir parcouru une seule ligne de ce premier roman. On retrouve, encore plus sûr, le style tout à fait musical, dansant, polyrythmique de l’auteur. Pourquoi Carnaval ? Pour la fête bien sûr, et pour le grand défilé des détraqués, incarnés par tous ces personnages hauts en couleur. Dans la célébration comme dans les enterrements, le rire frôle le désespoir.

Hector Mathis revient avec son nouveau roman qui ne peut vous laisser indifférent. Poète maudit talentueux, Hector Mathis nous porte au grès des pas qui martèlent le bitume, ceux qui rythment les vies, ceux qui s’ancrent pour l’éternité, ceux qui résonnent dans les cœurs des anges déchus.
Poète génial qui invoque les souvenirs, les tendres, les beaux, les pas beaux, les rigolos, les monstrueux fondateurs de vies qui s’étiolent sur la musique de la déchéance , bienheureuse et bienfaitrice de vies qui vont à vau-l’eau.

 

Poète qui sublime les mots et ces petits riens. Poète malheureux pris au tourment d’une vie en noir et blanc, gris confettis et serpentin, illusion affable et vorace de la petite mort.

 

Sitam, jeune héros, narrateur et pourfendeur d’un réalité banalisée, vulgarisée, chante sa vie au fil des souvenirs, dévore le bitume, « la grisâtre » avant qu’ils ne le prennent. Mort-vivant, la maladie, le désespoir, le deuil, Sitam, ombre de lui-même, s’épanche au son de ses pas douloureux, incompris. Il court, il rattrape la vie, la maudit, la vénère, la bannie, l’exècre. Il court vers le beau, le merveilleux, l’impromptu, l’incongru avant l’effondrement.

 

CARNAVAL est sans contexte un roman à découvrir de toute urgence. Impitoyablement insaisissable, bouleversant, cruellement beau, Hector Mathis subjugue, envoûte. Tableau monochrome où la joie et l’euphorie se contemplent au travers de réalités humaines au rythme endiablé d’une plume provocante, enjôleuse et rieuse.

 

Une chronique de #Esméralda

 


… Lien Kindle

… Le site des éditions Buchet Chastel

… Mon avis sur le premier roman d’Hector Mathis (clique sur l’image pour le découvrir).