LES ENVOLÉS, un roman de Étienne Kern.

LITTÉRATURE CONTEMPORAINE

Éditions Gallimard – Collection Blanche

Sélection #68premièresfois

4 février 1912. Le jour se lève à peine. Entourés d’une petite foule de badauds, deux reporters commencent à filmer. Là-haut, au premier étage de la tour Eiffel, un homme pose le pied sur la rambarde. Il veut essayer son invention, un parachute. On l’a prévenu : il n’a aucune chance. Acte d’amour ? Geste fou, désespéré ?
Il a un rêve et nul ne pourra l’arrêter. Sa mort est l’une des premières qu’ait saisies une caméra.
Hanté par les images de cette chute, Étienne Kern mêle à l’histoire vraie de Franz Reichelt, tailleur pour dames venu de Bohême, le souvenir de ses propres disparus.
Du Paris joyeux de la Belle Époque à celui d’aujourd’hui, entre foi dans le progrès et tentation du désastre, ce premier roman au charme puissant questionne la part d’espoir que chacun porte en soi, et l’empreinte laissée par ceux qui se sont envolés.

 

Ma note : 4,5/5
Nouveauté 2021
160 pages
Disponible au format numérique et broché

 


MON AVIS

Ailes déployées, regards fiévreux, pensées déstructurées, envies douloureuses, espoirs perdus, désillusions sournoises. La vie qui ne tient qu’à un soupir.

 

LES ENVOLÉS est un roman terriblement poignant. Les mots s’entrechoquent, s’animent, s’aimantent, s’envolent vers les espoirs vains et les doutes accablants. A l’heure où apprivoiser le ciel est un eldorado, un espace encore vierge où la liberté semble libératrice, les esprits s’échauffent et innovent. 

 

Franz Reichelt immortalisé, archivé, homme volant, homme libre, homme condamné. 

 

Et tous les autres envolés, laissant leurs empreintes dans les âmes désolées.

 

Passé, présent, ultime témoignage de la perte, de la femme, de l’homme, des rires, des larmes, de l’amour vivant, brisé, de la folie inconsciente, ultime pardon, foi perdue, esclave du temps qui s’assombrit.

 

Plume enjôlée, plume triste, plume sincère, plume enchanteresse narrant les vies avec un respect incommensurable. Apprivoisée la vie, la comprendre, la décortiquée et la laisser s’en aller au loin vers cette liberté.

 

Un roman saisissant. Un roman pétrifiant. Un roman recelant une part d’ombre lumineuse.

 

 

FENÊTRE SUR TERRE, un recueil de poésie de Franck Bouysse.

RECUEIL DE POÈMES ET DE DE RÉCITS

Éditions Phébus


Le texte le plus intime et personnel de Franck Bouysse. Un récit fait de textes en prose alternant avec des poèmes en vers et des photos de l’artiste qui racontent son arrière-pays d’écriture : sa Corrèze quotidienne depuis son enfance. Une portait du territoire d’inspiration qui a façonné son imaginaire et ses romans. On y retrouve toute l’authenticité et l’ambiance claire obscure de sa littérature, ainsi que ses personnages, et ses décors naturels. De l’émotion à l’état pur.
 
Ma note : 5/5 mention « gros coup de cœur et incontournable 2021 »
Nouveauté 2021
136 pages
Disponible au format numérique et broché

 


MON AVIS

Le dernier livre de Franck Bouysse, me semble t-il, est passé à la trappe dans la sphère littéraire. Certes il change de registre, mais est-ce une raison de s’en détourner. Vous avez peut-être connu Franck Bouysse avec « Buveurs de Vent » ou alors le très acclamé « Né d’aucune femme » ?

 

Pour ma part c’est une première rencontre, une de celle mémorable, marquante au fer rouge dans les tréfonds de mon âme.

 

Franck Bouysse touche par sa simplicité. Ses mots aux doux échos de saveurs d’un autre temps où le temps avait une dimension agréable, une sonorité charmante et un touché appréciable. Le temps que l’on oublie, le temps effréné dans cette quête sans limite de la vie. Franck Bouysse narre avec douceur de la vie, de la nature, de l’homme, de l’enfant, de la femme, des rêves, du vent, du ciel, de l’héritage, du désir. Un ensemble d’une finesse exemplaire, d’une douceur chatoyante, d’un plaisir inéluctable.

 

Je ne suis pas une grande adepte de la poésie, mais j’aime prendre le temps, de temps à autre, de savourer un recueil. Alors quand la magie opère, il n’y a rien de plus merveilleux que de se laisser porter par cette douce mélopée. Outre ces passages d’écriture, il est agréable de regarder ces photographies, en noir et blanc, illustrant parfois, souvent, les mots.

 

Poignant, bouleversant, FENÊTRE SUR TERRE est sans contexte un livre remarquable.

 

Ça

Ça commence par des ombres

Ça porte

Ça guide

Ça enfle

Ça gronde

Ça se tait

Ça fait naître les personnages d’une famille éphémère

Ça ne prévient pas

Ça s’invite

Ça s’impose

Ça veut se raconter, jusque dans les silences

Ça glace autant que Ça réchauffe, C’est impitoyable

Ça aime

Ça hait

Ça séduit

Ça repousse

Ça bouscule

Ça ravage

Ça déniche le réel

Ça vient de l’intérieur

Ça ne demande qu’à sortir

Ça cherche la vérité

Ça fait chair

Ça veut tempêtes et bonaces

Ça veut soulever le monde

Ça veut prendre l’espace

Ça veut plus

Ça veut tout

Ça veut croire à tout prix

Ça veut nouer le corps avec l’esprit

Ça veut unir

Ça veut posséder

Ça veut finir sans achever

Ça veut l’éternité

 

 

 

 

TISSER, un récit de Raharimanana.

RÉCIT

Éditions Mémoire d’Encrier


Tisser, c’est se connaître comme fibre, et accepter de se lier à d’autres pour une existence plus vaste. Tisser les mémoires. Tisser les vies. Tisser l’utopie.
Un enfant mort-né raconte la genèse du monde. Il fait appel aux mythes pour dire les dérives totalitaires et la quête de liberté. Fable contemporaine qui rétablit la relation entre les temps, passé et présent, les ancêtres et le monde contemporain, l’Esprit et le réel, le récit se donne à lire comme fibres à tisser l’humanité.
Ma note : 5/5
92 pages
Disponible en numérique et broché
Nouveauté 2021

 


MON AVIS

J’ai succombé à ce récit dès la première phrase. J’ai su que j’allais éprouver une sorte de fascination qui resterait ancrée en moi pour toujours (je l’espère vivement).

 

TISSER vous happe dans sa toile en un tour de main. Magie, obsession hypnotisante, Raharimanana, grand orateur, oracle de son temps, narre avec une telle évidence, spontanéité et fascination de ce temps qui fût, qui est et qui sera.

 

Entre contes, mythes et réalité, il nous confesse le grand mal du monde. L’absence d’écoute des peuples quelques qu’ils soient et surtout ceux de l’Afrique. Il expose une vision panoramique de ces vies détruites par le colonialisme et la perte d’identités riches, culturelles et communautaires.

 

Au travers du prisme d’un enfant mort né, le flux va et vient entre aperçu du temps présent, légende, hypothèse, futur.

 

Raharimanana parle de la vie et de la mort, lien ténu et indivisible, il tisse ses vies au travers de ce filtre étonnant reliant une vision merveilleuse et horrifique.

 

TISSER c’est hurler et pleurer la vie. C’est donner un sens à l’héritage, à la mémoire, à la nature, à la femme, à l’amour.

 

Mémoire universelle du berceau de la vie.

 

TISSER chante une chanson mélancolique, douce, tendre où l’amour s’accorde avec la tristesse et la mort.

 

TISSER se chante, se crie, se chuchote. Poème reflétant une immensité où le plus infime est d’une beauté rare.

 

TISSER est sans contexte un voyage inédit. Un voyage au bout du monde où la liberté est chère et la vie un fruit défendu.

 

Plus j’observe les jours, plus je constate qu’aujourd’hui s’est détaché d’hier, comme si plus rien ne relie au passé. Les pays se sont disloqués dans un grand silence où la mémoire s’est effondrée.

 

Une chronique de #Esméralda

BLANCHE, un récit de Catherine Blondeau.

RÉCIT

Éditions Mémoire d’Encrier


Blanche est l’histoire d’une femme qui découvre un jour qu’elle est blanche dans le regard des autres. Comme elle sait très bien qu’on ne saurait réduire un être humain à la couleur de sa peau, elle s’interroge. Que signifie être Blanche dans le monde tel qu’il va ? Elle arpente l’univers des penseurs et artistes du monde noir. Elle écrit, hésitante et fragile, son chemin d’humanité.
Ma note : 3,5/5
Nouveauté 2021
248 pages
Disponible en numérique et broché

 

 


MON AVIS

Pour son deuxième livre, Catherine Blondeau a choisi un thème ardu. Un questionnement existentiel où le lecteur suit le cheminent émotionnel et intellectuel de Catherine Blondeau. « Que signifie être Blanche dans le monde tel qu’il va ? » Pour ma part je trouve la question très pertinente surtout quand on sait que la question raciale et culturelle est un sujet d’actualité. 

 

Catherine Blondeau voit la vie en bichromie : noire et blanche ; blanche et noire. Un étonnant ballet s’ouvre où l’auteure va en être la principale danseuse. Entre jazz, culture africaine, rencontre, rumba congolaise, lecture et voyages, elle étaye son argumentaire autant solide que rigide.

 

Blanche est un long monologue où je me suis sentie exclue. Le récit reste fermé et où malheureusement je n’ai pas su trouver ma place. Pourtant mon intérêt était acquis, malgré le style direct et un rythme intéressant, Blanche n’a pas su me convaincre entièrement.

 

Le thème est évidemment essentiel. L’auteure aborde la colonisation avec sérieux et curiosité. Son propre mal être s’intensifie au fil des années où elle porte et endosse une lourde responsabilité et héritage.

 

Doit-on se sentir coupable des actes de nos ancêtres ? Ne doit-on pas privilégier la mise en avant de la communauté noire au travers des arts, des mythes, contes, artistes, cinéma, littérature …. ?

 

Mon ressenti en fermant ce livre est mitigé. Je n’ai pas réussi à trouver ma place dans son schéma de pensée. La confrontation « noire/blanche » vire à l’obsession. Mais il y a une question qu’elle n’a pas soulevé : que signifie être blanc dans un pays de blanc ? Je ne sais pas si ma question est légitime (et c’est sans aucun doute un autre débat), mais j’aurais souhaité que l’auteur aborde le revers de la question initiale. Le « Blanc » a de nombreuses facettes culturelles, communautaires, religieuses qui sont malheureusement stigmatisées.

 

Je ressors de cette lecture néanmoins avec une nouvelle liste de lectures qui a éveillé ma curiosité et dont l’auteure cite : Aimé Césaire, Lieve Joris, Nuruddin Fara, Ken Bugul et Amadou Hampâté Bâ…

 

Une chronique de #Esméralda

ABANDON, un récit de Joanna Pocock.

RÉCIT

Éditions Mémoire d’Encrier

Traduit de l’anglais par Véronique Lessard et Marc Charron


Parfois, tout ce que nous pouvons faire, c’est nous abandonner à nos circonstances, à nos désirs et à nos peurs, à notre besoin d’évasion, à nos échecs, à notre douleur, à notre état sauvage intérieur, à notre domestication et, de ce fait même, nous abandonner à l’essence qui est au centre de notre être.
 
Alliant chronique, récit de soi et de la nature, Abandon raconte l’Amérique indomptée et ses paysages sauvages. A l’aube de la cinquantaine, l’auteure Joanna Pocock quitte sa vie londonienne pour le Montana. Elle observe le territoire, découvre l’imaginaire frontalier de l’Ouest américain et ses extrêmes.
Elle traverse les forêts et les montagnes, dialogue avec les rivières, les loups et les bisons, relate ses expériences : maternité, deuil, crise climatique, réensauvagement, écosexe… Consciente de ce que l’humanité perd dans sa relation avec la terre, elle se met à l’écoute de ces communautés qui disent la fragilité de ce que c’est que vivre. En restituant l’Amérique dans sa démesure, Abandon aide à respirer.

 

Ma note : 4/5
Nouveauté 2021
324 pages
Disponible en broché et numérique

 


MON AVIS

Il m’est toujours délicat d’entamer la lecture d’un récit. Moment d’appréhension qui soit s’estompe à la lecture des premières pages ou alors s’intensifie.

 

Joanna Pocock nous offre une merveilleuse échappée belle. Direction le Montana où Joanna, son mari et sa jeune fille débutent une nouvelle vie à la sonorité de liberté. Mais il est bien difficile de s’établir dans un pays aux mœurs, coutumes, et quotidiens parfois bien différents de ce qu’ils vivaient jusqu’à présent. Après quelques difficultés, est venu le temps de découvrir l’environnement proche. Le Montana est connu pour ces grands espaces sauvages, mais en y regardant de plus près vous découvrirez l’envers du décor. La chasse, la trappe, la nature, la flore ont une image loin d’être idyllique. Ancienne terres minières, les ruisseaux, cours d’eau, étangs, rivières, fleuves sont pollués. L’écologie et la préservation des milieux naturels sont un combat quotidien qui vacille d’élections et en élections. Joanna Pocock met en évidence ces incohérences et ces absurdités qui nous paraissent à l’heure actuel un enjeu crucial. La terre de la démesure n’applique que la loi du plus fort et du capitalisme. L’intérêt propre avant la préservation amenant à des catastrophes sans précédent.

 

La nature a une nouvelle place dans la vie de Joanna Pocock qui s’allie avec son état émotionnel et physique. De nouvelles interrogations prennent place dans sa vie la poussant à explorer davantage ce territoire vaste. De recherches en recherches, elle va partir à la rencontre de communautés qui vivent de la chasse de bisons et d’une grande Queer. Cette dernière ou ce dernier, Finisia Medrano, parcourt à dos de cheval ce qui est considéré comme étant l’Anneau, trajet qu’emprunté les peuples autochtones il y a des années de cela créant ainsi un cercle de vie où la nature était pourvoyeuse. Un témoignage bouleversant et qui m’a touché en plein cœur. Adepte du réensauvagement qui consiste en replanter des graines de plantes et d’arbustes en voie de disparition, Finisia est une figure de courage, d’abnégation et d’humilité. Quelques autres portraits surgissent ici et là.

 

Joanna Pocock nous parle avec toute son objectivité de chercheuse et de journaliste de nature, de chasse, de réensauvagement et d’écosexe. Ce dernier ressemble aux mouvements hippies. La nature au centre de la vie humaine et le sexe comme moyen de communication. Un concept qui m’est totalement étranger et auquel j’ai du mal à concevoir une quelconque utilité.

 

Joanna Pocock nous délivre un récit mené avec justesse, honnêteté et qui délivre un joli message. Mêlant ses émois et ses recherches où la nature est au cœur de ce duo, Joanna Pocock nous pousse à nous poser de questions. Notre place au sein de la nature est-elle légitime ? Nos actes ? Les conséquences ? La recherche de notre propre chemin en adéquation avec nos valeurs, nos principes moraux et surtout la nature ?

 

ABANDON se partage avec générosité et bienveillance. Un débat ouvert sur de nombreuses thématiques. Et le sentiment absolu que Joanna Pocock délivre le message pertinent qu’il nous est interdit d’abandonner notre nature profonde celle qui sommeille depuis des milliers d’années, celle qui connaît la valeur de la nature.

 

Une jolie lecture très intéressante que je ne peux que vous inciter à découvrir !

 

Une chronique de #Esméralda

T’INQUIÈTE PAS, MAMAN, CA VA ALLER, un témoignage de Hélène de Fougerolles.


«  Je marche dans la rue en levant les yeux au ciel. Il paraît que c’est ultra-efficace pour éviter de pleurer. J’inspire à fond. J’écoute battre mon cœur. Je viens d’entrer dans un tunnel immense… C’est le début du grand huit. Il va falloir que je m’accroche. 
Longtemps, je n’ai pas voulu voir, pas voulu savoir. J’étais dans le déni et la mauvaise foi. J’ai joué à merveille mon rôle d’actrice lumineuse, pétillante et légère. J’avais une double vie  : celle à laquelle je voulais croire, et l’autre, celle que je vivais vraiment… 
Il m’aura fallu dix ans pour accepter la différence de ma fille. Dix ans de fuite, dix ans de combat. Je ne m’attendais pas à un tel voyage.
Je voudrais aujourd’hui partager ce chemin de rires et de larmes, de colères, de doutes, de joies et d’amour. Parce que, si longue que puisse être la route, si gigantesques que soient les montagnes à franchir, nous avons tous le choix d’être heureux. »

Quelques jours plus tard, le pédiatre neurologue m’achève. Lui est encore plus cash, il ne s’embête même pas avec des explications techniques, il me dit juste que ma fille est « foutue ». Voilà. Ni plus ni moins.

Je la mets dans quelle poubelle, monsieur ? Jaune ou verte ? On peut la recycler, vous croyez ?


 
Être parent est bien difficile, on y va à l’instinct, on se trompe souvent et puis on recommence. Des tentatives à la pelle en espérant que l’on élève au mieux son enfant dans le tourbillon de notre société. Alors quand ce précieux cadeau n’est pas conforme aux normes de notre société, on déjante rapidement.
Être parent d’un enfant merveilleux, s’est emprunté un chemin chaotique que l’on se doit de franchir avec force, courage et conviction. On l’accepte ou non. Le déni. Un vilain mot, péjoratif qui vous renvoie à la figure que vous êtes un mauvais parent aux idées préconçues et aux idéaux des grandes envergures. Mais ce déni est davantage précieux quand la conscience s’éveille.

 

Hélène de Fougerolles ne nous délivre pas un « énième » récit sur l’autisme mais un témoignage fort émouvant et bouleversant. Elle se met à table, nous balance son enfance, ses parents toxiques, son sentiment de l’abandon, ses désillusions et ses désirs enfouis au cœur de ses entrailles empêchant de voir l’essentielle, sa fille Sacha. Tout au long de ses années, elle entreprend sa reconstruction pas à pas. Entre apaisement et colère, Hélène de Fougerolles souhaite plus que tout offrir à sa fille un monde merveilleux où la différence n’en serait pas une. Un cri intense mêlant l’incompréhension et l’envie, la volonté d’être la mère parfaite de Sacha. Un combat féroce vers l’acceptation libératrice.

 

J’ai passé une de mes nuits à ses côtés. J’ai ri, j’ai pleuré, j’ai crié  au rythme de ses confidences. Un témoignage terriblement sincère sans crainte du jugement. Et puis étant la maman d’un petit garçon autiste (à huit ans il est toujours) je me suis retrouvée dans ses mots. Ce moment crucial où, par fierté elle ne pleure pas devant l’équipe enseignante. Moi, je n’ai pu que pleurer devant l’absurdité du corps enseignant. Et puis ce fameux papier de la MDPH qui vous annonce, noir sur blanc, que votre enfant est handicapé. La stupeur et l’incompréhension, tout comme l’auteure, m’ont saisie. Et le dernier où le corps médical vous accuse d’être une maman trop protectrice lui passant tous les caprices. Si les médecins en sont friands, moi, ils me sont venus de mon mari.

 

Hélène de Fougerolles délivre son témoignage. Bienveillant et d’une honnêteté sans faille montrant du doigt les aberrations d’une société qui se dit ouverte, tolérante et bienfaisante. « Liberté, égalité, fraternité » ne s’applique pas face à la différence. Un récit émouvant qui au-delà de l’apparence de l’actrice, j’ai découvert une femme combative, pleine de générosités avec ses failles et ses blessures.

 

Une chronique de #Esméralda.

Le mot, d’origine anglaise, « hand in cap » veut dire « main dans un chapeau » et désignait des jeux dans lesquels des objets de valeurs différentes étaient disposés dans un chapeau, le hasard élisant le gagnant en dépit de tout autre paramètre.

source http://www.cairn.info

JE SUIS UNE MAUDITE SAUVAGESSE – Eukuan nin matshi-manitu innushkueu, un témoignage de An Antane Kapesh.


An Antane Kapesh signe un réquisitoire accablant contre les Blancs : « Quand le Blanc a voulu exploiter et détruire notre territoire, il n’a demandé de permission à personne, il n’a pas demandé aux Indiens s’ils étaient d’accord. »
« Ce livre est l’illustration flagrante de la dépossession dont sont victimes les Indiens et du crétinisme notoire du Blanc moyen qui arrive dans le Nord imbu de lui-même et de sa civilisation. Il ressort de tout ça que ce que l’homme a fait et continue de faire aux Indiens est une belle saloperie. » – Châtelaine, janvier 1977
« Ce livre, c’est le cadeau précieux qu’on offre à l’Histoire. » – Naomi Fontaine
An Antane Kapesh, née en 1926, première auteure innue, mère de huit enfants, a vécu en nomade jusqu’en 1953 lorsque le gouvernement déracine sa famille de ses terres. Eukuan nin matshi-manitu innushkueu / Je suis une maudite Sauvagesse est son grand livre où elle dénonce la colonisation des Premières Nations.
Traduction José Mailhot
Edition et préface : Naomi Fontaine
Edition billingue innue-français

Quand nous vivions notre vie à nous, jamais nous ne voyions toutes les misères que nous voyons aujourd’hui. Après nous avoir pris notre vie, le Blanc ne nous a donné qu’une existence lamentable.
La seule et unique fois où j’ai entendu parler de An Antane Kapesh, c’est dans le dernier récit de Naomi Fontaine SHUNI. A la fin de cette lecture, ce fut comme une évidence, je devais à tout prix lire JE SUIS UNE MAUDITE SAUVAGESSE. Hasard de la vie, depuis fin août, les éditions Mémoire d’Encrier propose à ses lectrices et lecteurs une nouvelle édition et une nouvelle traduction de ce récit.

 

Un récit terriblement percutant et accaparant d’une justesse rude et d’une honnêteté essentielle.

 

Les mots tels des lames acérées et des larmes de colère, An Antane Kapesh exprime le désarroi de tout un peuple déraciné violemment de leur Terre. Elle élève leur voix unique et solidaire dans le but sacré et irrévérencieux de raconter aux nouvelles générations leur héritage volé dans le but, essentiel, que ces dernières n’errent plus.
 
Un témoignage magistral dans lequel résonne la force d’un peuple détrôné, désœuvré, désillusionné. Un témoignage poignant et déchirant contre la cruauté Blanche et cette idée absurde que leur société est meilleure que celle des Innus. Un témoignage alarmant et désopilant. Un cri du cœur au profit d’un peuple qui a perdu son identité.

 

Comment ne pas avoir de profonds sentiments envers ce récit ? Comment ne pas se sentir petit face à ses mots ? Comment ne pas se sentir lamentable face à ses constats, à ses vérités ? Comment ne pas se sentir humain ? Comment ne rien dire face à un tel discours ? Des questions qui amènent tant de question. An Antane Kapesh porte-parole et bienfaitrice de son peuple. Que ses mots résonnent pour l’éternité afin de ne jamais oublier.

 

L’innue est avant tout une langue orale. La traduction est juste merveilleuse. On y retrouve la force, la conviction, le courage qui animent An Antane Kapesh, conférant à son récit un discours fédérateur, franc et sans ambiguïté. 

 

Un livre qui doit rejoindre votre bibliothèque sans hésitation !

 

Notre mode de vie à nous, les Indiens, était le meilleur. Mais après avoir accepté de nous laisser tromper de toutes sortes de façons, après qu’on nous a fait abandonner notre vie indienne et après nous être laissés piétiner par le Blanc, à présent nous ne valons rien ni dans une culture ni dans l’autre. A mon avis il aurait mieux valu conserver la vie que Dieu nous avait donné à vivre en tant qu’Indiens et conserver a langue indienne que Dieu nous avait donné à parler. Si le Blanc, à son arrivée dans notre territoire, avait gardé pour lui son mode de vie et sa langue française ou encore si, en venant ici dans notre territoire pour s’enrichir avec notre sol, il n’avait pas brutalisé les Indiens et s’il n’avait pas toujours essayé de faire de l’argent avec eux, aujourd’hui il n’y aurait probablement pas de querelle entre lui et nus, les Indiens.
 
Une chronique de #Esméralda

DU SEL DANS LES OREILLES – Journal de bord, un récit de Lia Capman.


Idylliques, les voiliers qui se dessinent à l’horizon comme autant de symboles de liberté? « Lever l’ancre » et « mettre les voiles », qui n’en a jamais rêvé? D’une plume malicieuse et piquante, trempée dans la Manche, la femme du capitaine malmène le journal de bord. En levant le voile sur les dessous de la plaisance, elle nous fait succomber à l’envoûtement des mers et des îles. Ce carnet de voyage d’un humour rafraîchissant a le vent en poupe et se lit d’un seul trait.

Les voiliers, c’est bien jolis mais de loin et tant qu’à faire depuis la terre ferme. Ma seule expérience s’est résumée à un sacré mal de mer pendant laquelle j’ai tant bien que mal dormi dans une espace cabine, pendant que maman faisait une crise d’angoisse et ma sœur et mon père cassaient la croûte. Je ne suis bien que sur le plancher des vaches !
Prendre la mer avec Lia Capmann et son capitaine relève d’une grande aventure. Bien arrimée à mon canapé (oufff !) j’ai apprécié de ne pas souffrir des mêmes maux que la femme du capitaine. Hissez haut matelot ! Et hauts les cœurs moussaillon ! Lia Capman nous délivre dans son journal de bord minutieusement tenu les déboires d’une aventure mais aussi les merveilleuses rencontres.

 

D’un humour bienveillant et parfois moqueur, la femme du capitaine égrène au fil des jours tous les petits détails qui ne vendent pas forcément du rêve. La liberté a un coût et elle se mérite. Traverser la Manche le long des côtes françaises est un périlleux voyage qui se gagne à force d’huile de coude, de peur et de sueur.

 

Pas de piraterie, quelques camaraderies mais le souvenir grandiose lorsque le point de chute apparaît salvateur et générateur de bonheur.

 

Filant au grès du vent favorable ou du moteur capricieux, l’horizon est un paradis. Les désagréments se désagrègent au fil des flots vaincus et des orages grogneurs.

 

Déconcertant, ce journal de bord offre du rêve dans une réalité parfois cauchemardesque. Balade oxygénante au grès des paysages merveilleux, bucoliques, romantiques, la femme et le capitaine vivent une expérience qui alimentera les soirées au coin du feu bien des années plus tard.

 

DU SEL DANS LES OREILLES est en quelque sorte un natur writing dédié à la mer. On s’y sent seul, en osmose avec les éléments, confiant, apeuré, paniqué, mais l’élan de liberté est bien là, au plus profond des tripes qui inlassablement fait battre le cœur.

 

Voyage exquis à découvrir !

 

Une chronique de #Esméralda

TOUT CE QU’ON NE TE DIRA PAS, MONGO de Dany Laferrière.


Un après-midi d’été, l’écrivain croise sur la rue Saint-Denis un jeune homme, Mongo, qui vient de débarquer à Montréal. Il lui rappelle cet autre jeune homme arrivé dans la même ville en 1976. Le même désarroi et la même détermination.
Mongo demande : comment faire pour s’insérer dans cette nouvelle société ?
Ils entrent dans un café et la conversation débute comme dans un roman de Diderot.
C’est ce ton léger et grave que le lecteur reconnaît dès le début d’un livre de Laferrière:« Tout nouveau-né est un immigré qui doit apprendre pour survivre les codes sociaux. Une société ne livre ses mystères qu’à ceux qui cherchent à la comprendre, et personne n’échappe à cette règle implacable, qu’on soit du pays ou non.» Laferrière raconte ici quarante années de vie au Québec. Une longue lettre d’amour au Québec.

De cette rencontre miraculeuse naît un bouleversant récit aux tonalités enjouées, sérieuses et bienveillantes. Dany Laferrière, fin observateur et écrivain/orateur, un génie absolument incroyable, se pare de son plus bel atout, sa plume, pour raconter avec une certaine subtilité distinguée, les affres de la vie d’immigrés.
Mongo est camerounais et vient d’atterrir au Québec. Dany Laferrière y est depuis quarante ans et pour Mongo, il endosse le rôle de passeur, de transmetteur, délivrant des petites astuces utiles, des leçons de vie essentielles sous son regard bienveillant et protecteur. La vie d’immigré n’est pas aisé. Si la terre d’accueil paraît le paradis, le décor en sera tout autre. Arriver sur cette d’asile, c’est accepter la société accueillante avec ses codes et ses lois. Ce n’est pas accepter de changer qui l’on est et d’oublier d’où l’on vient, mais c’est accepter de faire la place à ce nouveau pays et de se questionner avec son regard neuf.

Dany Laferrière met un point d’honneur entre les différences culturels, notamment celles du Sud et du Nord. Cette idée est en quelque sorte le pivot de son récit rythmé entre rencontres au café, émissions de radio et pensées intimes.

La nouveauté vient du Sud, où le Moyen-Orient côtoie l’Afrique et l’Amérique du Sud, de ce Sud que la famine, l’intolérance religieuse et la violence politique poussent à chercher une vie meilleure au Nord. Ce Nord où l’on trouve de quoi manger, une certaine tolérance religieuse et une relative paix sociale. Mais pourquoi le Nord accepte-t-il d’être la vache à lait du Sud ? C’est que la vache n’a pas de veaux. Et le confort rend sa population impropre au travail de base. Il y a un niveau où l’Occidental ne veut plus descendre. Un salaire et une condition de travail qu’il refuse totalement. En acceptant ces affamés, le gouvernement donne la possibilité à sa population de monter d’un cran dans l’échelle économique, et se ménage ainsi une éphémère paix sociale. Donc si le Sud monte au Nord, c’est simplement qu’il y a un vide à combler. Le Sud, c’est un trop-plein d’individus et de violence. La famine, source de déséquilibre politique, jette des populations entières dans les jouissances métaphysiques de l’opium religieux.
Avec malice et un certain humour, Dany Laferière, parle de son pays, le Québec. Il en retrace les grands aspects historiques et sociétaux. Le Québec s’avère être un pays très complexe et je ne l’aurais jamais cru. Avec tact, il met en garde son jeune ami, Mongo. Il lui liste les points clefs à connaître pour appréhender cette nouvelle société et lui éviter certaines erreurs. Un guide pratique et intéressant.

Se rajoute au fil des pages des aspects de sa vie et ses pensées intimes.

Ce carnet abrite mes pensées secrètes, celles que je n’ai pas envie de balancer au visage des gens.
Ce récit est une véritable ode à ce quelque chose d’insaisissable et de magnifique. Une ode portée par un amour intransigeant et passionnel pour ce pays, ces gens à découvrir dans leur entièreté. Les coulisses, les frasques, les anecdotes, les mœurs, les non-dits et les secrets, tout autant d’aspects qui font vibrer cet amoureux insatiable.

A découvrir absolument !

C’est le Québec, cher Mongo. Quand tu voyageras, n’oublie pas qu’il est possibles de criser dans un village un être modeste qui rêve de pacifier le monde. Tu sauras ce qu’il en est quand il t’invitera à passer dans son laboratoire, dans la pièce d’à côté, pour te montrer comment il entend s’y prendre. Ici, les idées les plus abstraites sont souvent analysées sous un angle concret, réaliste. […] Va les voir, Mongo, ils sont là où tu n’imagines pas, dans les villages endormis sous la neige durant les longs mois d’hiver, ces fous de l’Ancien Testament qu’on aurait pu croiser dans la foule qui suivait Moïse vers la terre promise.
Une chronique de #Esméralda.

ELLE SENTAIT LA POMME ET LE PAIN CHAUD de Heather Harpham.

[ RÉCIT AUTOBIOGRAPHIQUE – 2019 ]
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Brigitte Hébert
PRESSES DE LA CITE
368 pages
Ma note : 5/5 mention « incontournable »
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Le résumé :
Une famille exceptionnelle, et un long chemin vers le bonheur.
Heather est aussi globe-trotteuse que Brian, écrivain new-yorkais, est casanier, mais leur histoire d’amour ressemble à un conte de fées. Jusqu’au jour où Heather tombe enceinte… Si Brian est sûr de son amour pour Heather, il est également convaincu qu’il ne veut pas d’enfants. De retour dans sa Californie natale, Heather accouche donc seule. Seulement, quelques heures après la naissance de Gracie, le couperet tombe : le bébé est gravement malade. Alors qu’empire la condition de la petite – seule une greffe de moelle osseuse compatible pourrait la sauver –, Brian décide de revenir aux côtés d’Heather. Et c’est ensemble qu’ils vont réfléchir à ce qu’ils sont prêts à faire pour garantir l’avenir de leur petite fille…
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Raconter son enfer, celui de sa fille, celui de sa famille et celui d’autre est un acte de bonté. Raconter en toute humilité les souffrances, les désillusions, le désespoir et l’abattement est un acte audacieux. L’apitoiement n’est point recherché, au contraire ce récit autobiographique déborde de générosité et d’ondes positives.

 

Être confronté à l’inconnu, à la maladie, s’est entré dans un monde dangereux où le moindre mot est analysé, où le moindre acte est contemplé où la moindre parcelle de page vierge est source d’inquiétude. Le monde médical est un vaste empire que nous tous redoutons. Alors que faire quand à la naissance de son enfant, son premier, est annoncé l’improbable, la maladie et que ce petit bout de chou va devoir combattre pour vivre et que ses parents vont devoir accepter l’inacceptable et prendre les décisions qui leur incombent.

 

Elle sentait la pomme et le pain chaud est une ode à l’amour indéfectible, à l’amour puissant et  porteur. Un récit tendre et objectif sur le combat et la maladie. Un récit émouvant où ce petit bout de chou comprend l’imprononçable. Un récit où les mots de cette petite fille touchent. Un récit où les doutes et les silences veulent tout dire, où les regards sont emprunts d’un détonnant mélange, la tristesse et la combativité. Un récit où les petits moments de bonheur côtoient la souffrance. Un récit humain. Un récit prenant. Un récit douloureux. Un récit révélateur : un système de santé américain qui favorise la prise en charge que d’une certaine population, mais au delà de ce constat, l’élan de générosité de milliers d’inconnus qui grâce à leur don, quel qui soit, sauvent des enfants qui ne demandent qu’à vivre, courir et rire.

 

Heather Harpham m’a touchée en plein cœur. Sa plume simple et sa manière de narrer cette épopée m’a conquise. Elle transmet la juste vérité, celle de parents prêts à tout, celle d’une enfance tragique, celle d’un quotidien scruté à la loupe, celle de l’attente, celle du doute et du désespoir. Un récit où tout est bienveillance, où la générosité contre balance l’horreur, où l’amour transcende.

 

A lire absolument !
Narrateur et auditeur ont un devoir commun : croire. Aussi tragique que soit l’histoire. Croire. Croire et se souvenir ; se souvenir et croire. Parce que mémoire et acceptation sont tout ce que nous avons à donner. Parce qu’on n’a pas d’autre choix.
 
Une chronique de #Esméralda.

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