


« C’était l’hiver après celui de la mort de ma mère, c’est-à-dire mon deuxième hiver à Montréal. J’ai rencontré Noah et j’ai eu ce secret. Tout s’est produit pour moi hors du temps réglementaire de la perte de sens. Longtemps après les premières phases critiques du deuil, que j’ai bien étudiées sur Internet. Les événements se sont déroulés dans cet ordre, de cela je suis sûre. Pour le secret, je ne suis pas certaine, il était peut-être là avant, un secret sans personne dedans. »
Dans ce roman vibrant d’émotion, Anna Zerbib fait l’autopsie d’une obsession amoureuse où le désir, les fantasmes et les petits arrangements avec le réel sont autant de ruses pour peupler l’absence, en attendant les beaux jours.

Ce qui ressortira de cette lecture, c’est sans aucun doute, la puissance et la beauté de la plume de Anna Zerbib. Je pense que mon avis pourrait se suffire à cette seule phrase. Une rencontre bouleversante et inoubliable. J’adore ces envolées lyriques, ces mots qui coulent, qui s’entrechoquent et qui s’unissent au cœur de ce ballet sans fin.
Anna Zerbib raconte ici la douleur. Celle qui naît de la beauté d’une rencontre, celle qui s’installe dans chaque pli du cœur, celle qui s’épanouit dans tout le corps, celle qui meurt laissant ce sentiment d’un abandon unique.
Elle s’est installée à Montréal et a reprit ses études. Le premier hiver a laissé cette trace indélébile, la mort de sa maman. Une maman fantasque, bipolaire, dépressive qui était le cœur de toute sa vie. Un premier hiver rude, le plus marquant. L’hiver a pris son cœur, son corps, sa tête et le dégel n’est toujours pas terminé. Elle avance pas après pas, les souvenirs bons comme mauvais surgissent ici et là tels des madeleines de Proust. Venue étudier la littérature américaine à Montréal, elle passe son temps à écrire, à user sa plume. Alors en couple, l’irrésistible attirance pour cet homme du balcon supérieur, lui tombe dessus. Une sacrée tuile qui va bouleverser son monde, sa vie, son corps, son âme. Artiste maudit, lui, vit au rythme de ses contrats, de ses pérégrinations, de ses envies, de ses désirs. De vingt ans son aîné, il ne veut plus aimer, juste assouvir ses envies. Pas de relation, pas de promesses, juste des après-midi sans lendemain, sans rien, sans avenir. Sans mot inutile, sans fioriture.
Un deuxième hiver qui s’ouvre sur l’éternité des sentiments toxiques, uniques. Elle sombre, s’accroche à ses SMS promesses d’un nouvel après-midi merveilleux. Boulimique, elle attend. Elle dévore son corps décharné. Elle vomit l’insuffisance, le manque. Le corps se figeant peu à peu dans le froid, la glace dans une attente interminable d’un plus utopique. L’hiver se saisit de cette douleur lancinante, l’apprivoise, la façonne et quand le dégel s’annonce, elle surgit anéantissant le peu, le désir, la croyance à cet autre.
Anna Zerbib signe un premier roman d’une qualité rare. Si le scénario est quelque peu simple, j’ai fortement apprécié sa plume, son écriture. Elle puise la douleur, se l’approprie et la relate d’une manière touchante et émouvante. Une lecture dont j’ai savourée chaque phrase me laisser baigner dans ce froid insidieux et douloureux, attendant que l’engourdissement s’envole et catapulte les esprits. Un roman puissant où la reconquête des corps et de l’âme offre le sublime dans la noirceur.
Une roman que je vous invite à découvrir !