UN CHANT DE NOËL, une bande dessinée de José-Luis Munuera.

FANTASTIQUE

Éditions Dargaud

Londres, 1843. Tous les habitants, les mieux lotis comme les plus démunis, s’apprêtent à fêter Noël. Tous, à l’exception de Scrooge. Aux yeux de cette riche commerçante, insensible au malheur des autres comme à l’atmosphère de liesse qui baigne la cité, seuls le travail et l’argent ont de l’importance. On la dit radine, égoïste et mesquine. Elle préfère considérer qu’elle a l’esprit pratique. Et tandis que les festivités illuminent la ville et le cœur de ses habitants, Scrooge rumine sa misanthropie… Une nuit, des esprits viennent lui rendre visite. 
Ils l’emmènent avec eux, à la rencontre de la jeune fille qu’elle était, quelques années plus tôt, lorsque la cupidité n’avait pas encore rongé son cœur. Mais aussi à la découverte de celle qu’elle aurait pu devenir si elle avait choisi la voie de la bonté… Après le Bartleby d’Herman Melville, José Luis Munuera adapte librement un autre classique de la littérature anglo-saxonne : Un chant de Noël, de Charles Dickens. Munuera s’empare ainsi d’un des chefs-d’œuvres de l’écrivain anglais, paru en 1843, et féminise le personnage de Scrooge. Une relecture délicieuse, à savourer pour les fêtes !

 

Ma note : 3/5
Nouveauté 2022
80 pages
Disponible au format numérique et cartonné

MON AVIS

José-Luis Munuera nous offre une nouvelle interprétation de la célèbre nouvelle de Charles Dickens. 

 

Munuera reste fidèle au scénario initial. Vous l’avez certainement remarqué sur la couverture Mr Scrooge devient Madame. Et c’est sur ce point que Munuera apporte la nouveauté. Madame Scrooge est en tout point identique au personnage original. Ce qui est intéressant est de replacer l’héroïne dans le contexte sociétal. On se rend compte rapidement que cette femme n’aurait jamais eu ce rang social pour toutes les raisons évidentes que l’on pourrait associer à la fin du XIXe siècle. Le plus surprenant toutefois ce sont les raisons que le personnage met en avant pour justifier sa place : ébauche de féminisme, sorcellerie … 

 

Les illustrations de Munera reflètent à la perfection l’ambiance et les émotions véhiculées. Des marrons, de bleus, une douceur qui vient contrecarrer la rugosité du scénario.

 

« Bartleby, le scribe » de Munuera m’avait davantage touché. L’audace du scénariste est à souligner mais dans son ensemble j’ai été moins sensible au message véhiculé.

 

BARTLEBY, LE SCRIBE un roman graphique de José-Luis Munuera.


New York City, quartier de Wall Street.
Un jeune homme est engagé dans une étude de notaire. Il s’appelle Bartleby. Son rôle consiste à copier des actes juridiques.
Les premiers temps, Bartleby se montre irréprochable. Consciencieux, efficace, infatigable, il abat un travail colossal, le jour comme la nuit, sans jamais se plaindre. Son énergie est contagieuse. Elle pousse ses collègues, pourtant volontiers frondeurs, à donner le meilleur d’eux-mêmes.
Un jour, la belle machine se dérègle. Lorsque le patron de l’étude lui confie un travail, Bartleby refuse de s’exécuter. Poliment, mais fermement. I would prefer not, lui répond-il. Soit, en français : je préfèrerais ne pas.
Désormais, Bartleby cessera d’obéir aux ordres, en se murant dans ces quelques mots qu’il prononce comme un mantra. Je préfèrerais ne pas. Non seulement il cesse de travailler, mais il refuse de quitter les lieux…
José Luis Munuera s’empare de la nouvelle d’Herman Melville dans une adaptation magistrale et porte un regard original sur ce texte, réflexion stimulante sur l’obéissance et la résistance passive.

L’adaptation par José-Luis Munuera de l’incroyable nouvelle de Herman Melville est une parfaite réussite. Aujourd’hui et exceptionnellement, je viens vous parler de deux lectures que je n’aie pues dissocier. Les grands classiques et moi sommes fâchés, mais je mets du mien pour en découvrir de temps en temps et l’occasion s’est présentée avec ce nouveau roman graphique. Grâce à lui, j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai lu la nouvelle de Melville.
José-Luis Munuera reprend avec talent l’univers de Melville y transfigurant ici et là son point de vue de scénariste et de l’illustrateur. L’immersion dans le New York du XIe siècle où toutes classes sociales et culturelle se côtoient, où l’exode (et immigration) rural bat son plein, la ville représente l’eldorado, est accompagnée de petits clins d’œil à Thorreau, parfaite introduction.

 

Bartleby, copiste vient d’être engagé dans l’étude du narrateur. Respectueux, soigneux, efficace, il mène à bien les travaux qui lui sont donnés. Et puis un jour il déclare, « je préférerais ne pas ». Abasourdi, son employeur reste stoïque face à ces quelques mots, mais ne lui en veut guère. Quelques jours après, la même phrase retentit. De fil en aiguille, cette confrontation quasi silencieuse pousse le narrateur à fuir ces lieux tout en laissant sur place ce jeune homme. Mais sa prise de position le porte vers un destin tout aussi douloureux.

 

J’ai complétement été déstabilisée par ce roman graphique. On suit les élucubrations du narrateur qui se confie à ce personnage vêtu de noir qui me semble représente sa conscience. Toute une argumentation est ainsi déballée sur le comportement atypique et anodin de Bertlaby. Insidieusement les mêmes interrogations font écho aux lecteurs et l’auteur les invite à la réflexion. A mon tour à rester stoïque, cherchant une explication rationnelle et compréhensible. Il est évident que le contexte historique, sociétal et économique de la nouvelle a une importance capitale. Le libre-arbitre, l’opposition au système insufflent au personnage passif et pacifique une dimension irréelle tout aussi choquante que bouleversante. « Je préférerais ne pas » impose une réflexion et ne représente pas nécessairement le refus catégorique. Peut-il alors avoir un débat quand cette allocution est sans cesse répéter ? Le refus doit-il être compris comme étant le signe d’une désobéissance prérequis et délétère d’une société en perte de repère ?

 

Vous l’aurez compris la lecture du roman graphique de Menuera et de la nouvelle de Melville m’ont donné de nouveaux cheveux blancs. Une histoire qui m’a captivée certes mais dont j’ai cette amère impression de ne pas avoir toutes les clefs en main. José-Luis Menuera met en valeur une nouvelle qui me semble toujours d’actualité. Des illustrations magnifiques où l’urgence de la situation répond en écho à un personnage silencieux mais charismatique. Un scénario adapté mais qui suit les grandes lignes de l’œuvre de Melville. Je ne peux que vous conseiller ces deux lectures, œuvres magistrales,  elles se complètent à merveille et sont indissociables.

 

Une très grande découverte pour moi, je suis sortie de mes sentiers battus et en sort conquise !

 

Une chronique de #Esméralda