LES ENFANTS ENDORMIS, un roman de Anthony Passeron.

LITTÉRATURE CONTEMPORAINE

Éditions Globe

Quarante ans après la mort de son oncle Désiré, Anthony Passeron décide d’interroger le passé familial. Évoquant l’ascension sociale de ses grands-parents devenus bouchers pendant les Trente Glorieuses, puis le fossé qui grandit entre eux et la génération de leurs enfants, il croise deux récits : celui de l’apparition du sida dans une famille de l’arrière-pays niçois – la sienne – et celui de la lutte contre la maladie dans les hôpitaux français et américains.
 
Dans ce roman de filiation, mêlant enquête sociologique et histoire intime, il évoque la solitude des familles à une époque où la méconnaissance du virus était totale, le déni écrasant, et la condition du malade celle d’un paria.

 

Ma note : 5/5
Nouveauté 2022
288 pages
Disponible au format numérique et broché

MON AVIS

A la lecture du résumé, j’ai eu peur. J’avoue, je me suis sentie mal à l’aise, j’ai craint le pathos et la pitié. Souvent je me maudis d’avoir des idées préconçues, qui je ne vous cache pas, pourrissent ma vie de lectrice et souvent m’empêchent de sortir de mes sentiers battus. Heureusement que les 68 premières fois sont là pour me faire découvrir des romans qui n’auraient jamais croisé ma route.

 

Anthony Passeron nous narre l’histoire de famille, ses secrets, ceux tus comme une évidence telle une malédiction. Une vie modeste où le travail est légion et se transmet de père en fils. Deux frères, le prodige libre, extraverti et le second introverti prêt à tout pour se plier aux exigences familiales. L’aîné file du mauvais coton et plonge dans la drogue. Débuts des années 80, le Sida émerge, une pandémie sans précédent. 

 

Choc, incrédulité, impuissance, la réalité moribonde s’échappe, se répand, foudroie des hommes, des femmes, des enfants et des familles. L’incompréhension, le courage, la colère sont le moteur des vies qui ne tiennent qu’à des essais cliniques. 

 

Anthony Passeron alterne vie familiale, cursus scientifique, l’un faisant écho avec l’autre. Un lien ténu, invisible. Un roman émouvant et d’une intensité incroyable. Anthony Passeron décortique avec une magnifique précision des émotions paradoxales entre rejet, bravoure, déni, courage. L’aspect scientifique d’un autre côté nous permet de contextualiser toute la problématique des recherches entre espoirs d’un traitement et désillusions. 

 

Anthony Passeron capte son lecteur et avec une infinie douceur nous délivre les souffrances de ces multitudes de vies. Un combat encore d’actualité puisque je vous rappelle que jusqu’en 2017 les personnes porteuses du VIH ne pouvaient pas bénéficier de soin funéraire.

 

Un premier roman d’une beauté sans égal à découvrir à tout prix !

L’OURS un roman de Andrew Krivak.

NATUR WRITING

Éditions Globe

Traduit de l’anglais (États-Unis) par Héloïse Esquié

#PicaboRiverBookClub


Ils ne sont que deux survivants humains, un père et sa petite fille, dans une maison au bord d’un lac. Leurs voisins ? Des arbres centenaires, des plantes millénaires, des oiseaux dont les appels trouent les cieux, des traces d’ours sur les troncs et une montagne qui n’a pas changé depuis qu’Emerson et Thoreau y puisaient leur force et leur sagesse.
 
Au fur et à mesure que la fille grandit, son père lui apprend tout ce qu’il peut, pour la préparer à une vie en harmonie avec une nature majestueuse et tutélaire.
Et quand la fille se retrouvera seule, c’est l’ours du titre qui lui servira de guide ultime pour s’orienter à travers un environnement aussi rude que prodigue, dans une communion élégiaque.

 

Ma note : 5/5 mention « incontournable 2021 »
Nouveauté 2021
160 pages
Disponible au format numérique et broché

 


MON AVIS

Il existe ces romans où les mots semblent désuets. L’ours en fait indéniablement partie

 

Mes mots ne pourront jamais vous faire ressentir l’immensité. La nature omniprésente. Le ciel, la terre, les arbres et les fleurs, les animaux, leurs silences, leurs cris, leurs vies, leurs présences, source d’abondance et de pérennité. Une bouffée d’air pur, saisissante et pétrifiante. La solitude, la peur de la mort, mais la vie restant, brillante par tous ses défauts, sombre pendant ces moments où la terre s’endort.

 

Un paysage époustouflant. Des détails précis et ces mots qui valdinguent, bouleversent et pétrissent le cœur avec une nonchalance naturelle invitant au repos et surtout à tendre l’oreille. Alors vous entendrez ce père initiant sa petite fille à la terrible loi de la survie, ses conseils, ses souvenirs, ses légendes, ses histoires, ses mots marqués sur un papier d’un autre temps seul rescapé de l’apocalypse (?). Alors vous verrez l’amour qui transpire dans chaque mot, chaque geste, chaque silence. Celui-ci apporte bien plus.

 

C’est ainsi que naissent les légendes celles véhiculées par les airs, celles qui se murmurent au bruissement des feuilles, celles que rapportent les oiseaux du quatre coin du monde. Une légende naît de la douleur, de la perte et du deuil. Une légende en parfaite communion avec la nature, la véritable nature, celle qui s’élève, celle qui a conscience d’un grand tout.

 

Andrew Krivak signe un roman d’une beauté insaisissable, merveilleuse et d’une justesse rare. Dès le départ j’ai été captivée par la prose et le style de l’auteur. Une plume lyrique qui nous invite à un voyage extraordinaire. Au-delà d’être une claque, ce roman puisse sa force dans la nature mais aussi aux côtés d’une jeune héroïne qui a reçu un héritage bien lourd pour ses frêles épaules. Une héroïne en harmonie totale avec son environnement dont elle aura pris soin de regarder et d’écouter.

 

J’ai été saisie par la puissance émanant de ce roman. Une expérience unique et bouleversante.

 

Êtes-vous prêt.e.s à rencontrer l’ours ? Je ne pense pas.