HARLEM SHUFFLE, un roman de Colson Whitehead.

LITTÉRATURE CONTEMPORAINE

Éditions Albin Michel – Collection Terres d’Amériques

Petites arnaques, embrouilles et lutte des classes… La fresque irrésistible du Harlem des années 1960.
Époux aimant, père de famille attentionné et fils d’un homme de main lié à la pègre locale, Ray Carney, vendeur de meubles et d’électroménager à New York sur la 125e Rue, « n’est pas un voyou, tout juste un peu filou ». 
 
Jusqu’à ce que son cousin lui propose de cambrioler le célèbre Hôtel Theresa, surnommé le Waldorf de Harlem…
Chink Montague, habile à manier le coupe-chou, Pepper, vétéran de la Seconde Guerre mondiale, Miami Joe, gangster tout de violet vêtu, et autres flics véreux ou pornographes pyromanes composent le paysage de ce roman féroce et drôle. Mais son personnage principal est Harlem, haut lieu de la lutte pour les droits civiques, où la mort d’un adolescent noir, abattu par un policier blanc, déclencha en 1964 des émeutes préfigurant celles qui ont eu lieu à la mort de George Floyd.
Avec Harlem Shuffle, qui revendique l’héritage de Chester Himes et Donald Westlake, Colson Whitehead se réinvente une fois encore en détournant les codes du roman noir.

 

Ma note : 3/5
Nouveauté 2023
420 pages
Disponible au format numérique et broché

MON AVIS

Années 60, Harlem, la pègre … il en faut peu à Colson Whitehead pour nous proposer un nouveau roman, policier cette fois-ci, envoûtant.

 

Totalement différent de Nickel Boys, notamment au niveau du style d’écriture, Colson Whitehead dépeint avec justesse et frénésie la vie d’un quartier, de la communauté noire entre autres. Un grand charivari où se confrontent la pauvreté, la drogue, les mauvais plans à tout va, le petit et grand banditisme, les amitiés foireuses et la famille bancale. 

 

Au rythme des pas de Ray Carner, humble propriétaire d’un magasin de meubles, on découvre ce monde qui fourmille, qui hurle et qui crie face aux injustices. Un monde fait de bric et de broc, où l’alcool et la drogue font les premiers ravages, où l’argent facile est souvent la seule manière de survivre. 

 

J’ai eu beaucoup de mal avec le style d’écriture, cette fois-ci. Un peu brouillon et tumultueux, à mon goût, qui je pense reflète le quartier d’Harlem au sens propre comme au sens figuré. Fresque sociétale, intimidante et intimiste, féroce mais emprunte d’un certain humour, Colson Whitehead reste un grand orateur qui retrace les grandes lignes socio-historiques d’un pays blanc où le combat contre le racisme ne cessera (jamais). 

TOUS LES NOMS QU’ILS DONNAIENT À DIEU, un recueil de nouvelles de Anjali Sachdeva

LITTÉRATURE NORD-AMÉRICAINE

Recueil de nouvelles

Éditions Albin Michel

Collection Terres d’Amérique


Mêlant passé, présent et avenir, Anjali Sachdeva signe un premier recueil magnétique et délicieusement inventif qui plonge le lecteur entre effroi et émerveillement.
Ma note : 4,5/5 mention « à découvrir »
288 pages
Disponible en numérique et broché
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Isabelle Fournier

S’y côtoient une femme, au temps de la conquête de l’Ouest, qui attend son mari dans une maison perdue au milieu des Grandes Plaines et finit par trouver refuge dans une grotte secrète ; deux jeunes Nigérianes kidnappées par Boko Haram se découvrant le mystérieux pouvoir d’hypnotiser les hommes ; ou encore un pêcheur embarqué sur un morutier qui tombe éperdument amoureux d’une sirène dont chaque apparition engendre une pêche miraculeuse…
La prose étrange et magnifique d’Anjali Sachdeva embrasse le connu et l’inconnu avec une grâce et une puissance rares. Chacune de ses nouvelles interroge les forces implacables, cruelles ou bienveillantes, qui nous gouvernent, et donnent au lecteur la sensation de marcher sur un fil. Une révélation.

MON AVIS

Avant, j’étais réticente à ouvrir un recueil de nouvelles. C’était avant de découvrir et d’ouvrir ceux des auteur.e.s américains. Ils ont une aisance particulière à vous narrer ces histoires courtes mais d’une puissance inqualifiable qui vous laissent pantois et surtout jamais sur votre faim. Aujourd’hui je vais vous parler d’un recueil extra-ordinaire. Neuf histoires, neuf portes qui s’ouvrent sur neuf univers différents. Neuf contes des temps modernes où il n’y a ni « il était une fois », ni « ils vécurent heureux ». Neuf fragments de possibilités dans un monde bien réel. Fantastique, mythe, magie, façonnent la vie, la construisent, la formatent. Neuf portes ouvertes sur un monde où la désillusion, la mort, la perte, la survie, l’espérance, l’abandon se côtoient, se meuvent, se meurent.

 

LE MONDE LA NUIT
POUMONS DE VERRE
LOGGING LAKE
TUEUR DE ROIS
TOUS LES NOMS QU’ILS DONNAIENT A DIEU
ROBERT GREENMAN ET LA SIRENE
TOUT CE QUE VOUS DÉSIREZ
MANUS
LES PLÉIADES

 

Si vous me poseriez la question quel sentiment j’ai ressenti à fermant ce recueil, je vous répondrais sans hésiter la tristesse. Celle qui broie, celle qui décèle la moindre fêlure, celle qui s’infiltre insidieusement, celle qui vous accapare, celle qui vous fait sombrer. La plume d’Anjali Sachdeva vous hypnotise, vous prend dans ses filets et ne vous en délivrera pas. Elle vous transmet cette énergie, cette puissance destructrice, et vous insuffle cette multitude de questions autour des thématiques qui ne vous laisseront pas de marbre. Les limites de la science dans la procréation, l’écologie, l’environnement, les peurs ancestrales, l’art, la possession, la maladie, la différence, l’esclavagisme, la religion totalitaire.

 

Il y a quelque chose d’empirique, d’effroyable et de merveilleux dans les mots d’Anjali Sachdeva. Il y a ce quelque chose d’unique et d’universel, ce quelque chose qui vous pousse dans vos retranchements. TOUS LES NOMS QU’ILS DONNAIENT A DIEU, est sans aucun doute un recueil de nouvelles qui vous fascinera.

 

Les neuf nouvelles m’ont toutes plu et je ne pense pas que je me lasserai si tôt de les redécouvrir encore et encore. Anjali Sachdeva est une auteure talentueuse à suivre absolument !

 

UNE CHRONIQUE DE #ESMÉRALDA

L’ENFANT DE LA PROCHAINE AURORE, un roman de Louise Erdrich.

LITTÉRATURE NORD-AMÉRICAINE

DYSTOPIE

ÉDITIONS ALBIN MICHEL

COLLECTION TERRES D’AMÉRIQUE


Notre monde touche à sa fin. Dans le sillage d’une apocalypse biologique, l’évolution des espèces s’est brutalement arrêtée, et les États-Unis sont désormais sous la coupe d’un gouvernement religieux et totalitaire qui impose aux femmes enceintes de se signaler.
Ma note : 4/5
Nouveauté 2021
Disponible en numérique et broché
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Isabelle Reinharez
 
C’est dans ce contexte que Cedar Hawk Songmaker, une jeune Indienne adoptée à la naissance par un couple de Blancs de Minneapolis, apprend qu’elle attend un enfant. Déterminée à protéger son bébé coûte que coûte, elle se lance dans une fuite éperdue, espérant trouver un lieu sûr où se réfugier. Se sachant menacée, elle se lance dans une fuite éperdue, déterminée à protéger son bébé coûte que coûte.

MON AVIS

Revoici Louise Erdrich dans un registre totalement inattendu, la dystopie.

 

Cedar a été adoptée dès sa naissance. Elle grandit entouré d’amour et pendant ses études universitaires, elle se prend de passion pour la religion et devient la rédactrice d’un petit journal de sa paroisse. Cedar est une jeune femme intelligente douée pour le sens de l’observation et de la réflexion. Cedar a enfin son chez soi et un amoureux. Les journées s’écoulent paisiblement. Et puis le murmure d’une catastrophe se fait entendre. L’inquiétude n’est pas encore à son apogée, mais les questions sont nombreuses. L’évolution des espèces commence à involuer à un rythme effréné. De quoi rendre fou de Lamarck et notre cher Darwin. Les mammifères, les oiseaux, les végétaux et les Hommes. Les enfants et les mères meurent au cours de l’accouchement. Cette crise majeure renverse le pouvoir et voit s’installer les religieux. Les femmes enceintes sont priées de se rendre dans des centres et toutes personnes raisonnables à les dénoncer.

 

Cedar refuse tout enfermement. Bien avant le lancement des hostilités, elle a pu faire connaissance de sa famille biologique et découvrir ses racines indiennes. Cloitrée chez elle avec le futur papa, elle voit le monde se déchiré. La suspicion, le contrôle des médias, le flicage, le monde extérieur devient un monde de dingue. Jours après jour, elle survit. Une routine drastique, le ménage qui devient obsessionnel et puis ce moment unique de paix, l’écriture de son journal intime qu’elle adresse à son futur enfant. Des confidences, des espoirs, ces petites fenêtres ouvertes sur l’avenir hypothétique jalonnent les pages et il n’y a rien de plus merveilleux pour Cedar que de laisser cette trace écrite pour cet enfant qu’elle chérit. Et puis son monde s’effondre. La capture, l’enfermement, les questions, l’ignorance, tout se bouscule. Et pourtant une petite lueur d’espoir va s’allumer. Un espoir mince mais bien réel qu’elle se saisira avec impatience.

 

Louise Erdrich m’a totalement scotchée. J’aime beaucoup quand les auteur.e.s sortent de leurs sentiers battus et explorent un autre monde. Toujours fidèle à la communauté indienne, elle met en scène ici une jeune femme déracinée qui va être confrontée à une nouvelle guerre et à l’enfermement. L’auteure parle de liberté bafouée, d’appropriation de l’identité, de religion totalitaire. Un roman captivant où la tristesse prédomine. Il n’y a pas de final tonitruant, juste ce final, à la hauteur du roman, sobre, désuet et magnifique. Une héroïne courageuse et battante que je me suis empressée de suivre et d’encourager. Une atmosphère suffocante et anxiogène. Une dystopie où cette réalité est juste effroyable. Louise Erdrich n’a pas peur de nous bousculer et de nous montrer les choses telles qu’elles sont. Une lecture qui insidieusement vous interroge sur ce que nous serions prêts à endurer face à une situation complexe. Cette histoire fait malheureusement, dans une moindre mesure, écho à la situation sanitaire que nous traversons tous. Pourtant ce texte a été écrit bien des années auparavant, avant d’être sorti du tiroir. L’ENFANT DE LA PROCHAINE AURORE est un roman surprenant, bluffant et intriguant. Il ne sera pas mon préféré de l’auteure mais j’approuve l’audace dont a fait preuve Louise Erdrich. Une audace téméraire où la magnificence de l’humain est au cœur d’une histoire prodigieuse !

 

Laissez-vous tenter !

 

UNE CHRONIQUE DE #ESMÉRALDA

DEVENIR QUELQU’UN, un roman de Willy Vlautin.

LITTÉRATURE NORD-AMÉRICAINE

ÉDITIONS ALBIN MICHEL

COLLECTION TERRES D’AMÉRIQUE


A vingt et un ans, Horace Hopper ne connaît du monde et de la vie que le ranch du Nevada où il travaille pour les Reese, un couple âgé devenu une famille de substitution pour lui. Abandonné très tôt par ses parents, il se sent écartelé entre ses origines indiennes et blanches.
Secrètement passionné de boxe, Horace se rêve en champion, sous le nom d’Hector Hidalgo, puisque tout le monde le prend pour un Mexicain… Du jour au lendemain, il largue les amarres et prend la direction du sud, vers sa terre promise. Saura-t-il faire face à la solitude du ring et au cynisme de ceux qu’il croisera en chemin ? Peut-on à ce point croire en sa bonne étoile, au risque de tout perdre ?
À travers le portrait bouleversant d’un jeune idéaliste décidé, envers et contre tous, à trouver sa place dans le vaste monde, Willy Vlautin signe un roman pudique qui touche le lecteur en plein coeur.
Ma note : 4,5/5 mention « incontournable 2021 »
304 pages
Disponible en numérique et broché
Nouveauté 2021
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Hélène Fournier

MON AVIS

Une nouvelle découverte sous le signe du charme, j’enchaîne mes lectures et en ce moment c’est du pur bonheur !

 

Willy Vlautin n’a pas son pareil pour vous surprendre au cœur de ces intimités modestes débordantes d’amour, d’émancipation, d’espoir poussées par une volonté de fer dans le but de toucher du doigt le rêve absolu.

 

Horace Hopper est ni un indien ni un blanc. Un homme sans identité perclus de sentiments noirs et destructeurs. Horace vit depuis quelques années aux abords du ranch des Reese, éleveur de moutons, dans ce camping-car, son chez soi. Des posters de célèbres boxeurs tapissent les parois tristes, témoins de cette envie vorace de devenir ce quelqu’un d’important de majestueux, s’élevant dans ces sphères célèbres à la force de ses poings et de ses pieds. Horace a senti l’appel de la vie et décide de partir, de la cueillir, loin du ranch, des chevaux, sa passion, et des Reese qu’il considère comme ses parents.
La ville, le bruit, le monde et ses règles. Accueilli par sa tante qui lui loue la cabane au fond du jardin, il trouve rapidement du travail chez un monteur de pneu et un entraîneur peu scrupuleux. Les premiers matchs tombent et les premières défaites avec. Mais son optimiste le porte au-delà. La solitude de la ville le pèse, elle le rendrait peureux lui qui a connu la vaste étendue des plaines et des montagnes. Les semaines défilent et insidieusement le chaos s’installe. Lui, parti à la quête de l’homme qu’il deviendrait, se trouve face à l’immensité béante de la désolation et de la désillusion.

 

Eldon Reese est ce vieillard au cœur tendre qui a pris sous son aile le jeune Horace. Son départ pour la ville est un brise cœur. Avec patience, il lui a prodigué tous les bons conseils. Il sera toujours là pour lui quoiqu’il fasse, quoiqu’il lui arrive, leur ranch sera toujours son chez lui. Eldon suit de loin l’évolution de son petit protégé. Il ne veut que son bonheur.

 

Les personnages sont d’une extrême beauté. Une de celle qui vous éblouit par cette simplicité humaine, fidèle à ses valeurs. La plume de Willy Vlautin a ce quelque chose indéfinissable qui vous capture dès le départ. Une sensibilité à fleur de peau mais une force tirée de la Terre. Une quête initiatique à l’allure d’un western moderne, DEVENIR QUELQU’UN est époustouflant ! Le rêve américain à portée de mains, Horace est pris en étau entre cette réalité morbide et ce rêve de grandeur.

 

Un immense coup de cœur pour cette merveilleuse découverte. J’ai été sensible aux personnages, à l’histoire et à ce final qui m’a retournée littéralement les tripes. Une explosion honnête de portraits authentiques, de vies arrachées au lance-pierre, poussés sur ce chemin sinueux et alambiqué. Un uppercut qui coupe le souffle !

 

A découvrir absolument !

J’ai souvent voulu rentrer au ranch, mais malgré tous mes efforts je n’y suis jamais arrivé.

UNE CHRONIQUE DE #ESMERALDA

TOUTES LES CHANCES QU’ON SE DONNE, un recueil de nouvelles de Kevin Hardcastle.

Littérature Nord Américaine

ALBIN MICHEL

COLLECTION TERRES D’AMERIQUE

#PICABORIVERBOOKCLUB


Avec ce premier recueil, l’auteur de Dans la cage nous entraîne dans un univers qui pourrait sembler distant et étranger. Les onze nouvelles réunies ici se déroulent dans les étendues sauvages du nord de l’Ontario et de l’Alberta, au coeur d’un environnement rural et impersonnel : fermes et forêts, sites miniers et petites villes. Mais sous la plume acérée et nerveuse de Kevin Hardcastle, qui mêle violence et tendresse avec une sincérité rare, surgit une bouleversante humanité : celle de chacun des protagonistes, qu’ils soient officier de police, infirmière, combattant de free fight, retraitée ou criminel à la petite semaine, lesquels tentent avec la même pulsion de vie de se laisser une chance, en cherchant dans le monde qui est le leur un peu de douceur et de beauté.
Illuminé par la grâce, un recueil coup de poing signé par l’un des écrivains canadiens les plus prometteurs de sa génération.

Ma note : 4,5/5 mention « à découvrir »

Traduction de l’anglais (États-Unis) par Janique Jouin-de-Laurens

256 pages

Disponible en numérique et broché

Nouveauté 2021


MON AVIS

Je suis très heureuse de retrouver Kevin Hardcastle avec ce nouveau titre, un recueil de 11 nouvelles.
 
Le vieux Marchuk
La corde
Frontière du Montana
Devoir attendre
Bandits
Celui-là ne serait sûrement pas une grande perte
Au ras des champs
Poursuivi par les coyotes
La forme d’un homme assis
Toutes les chances qu’on se donne
La plupart des maisons n’avaient plus de lumière
 
Onze histoires, onze personnages aux mille et une vies. Là-bas, loin de tout, où la terre appelle à la dureté, à la survie, aux choix et à ses conséquences. Colère, dépression, violence, haine tout autant de sentiments qui s’emploient à rendre la vie noire ou rose (selon le point de vue). Une vie enfermée dans ce cycle destructeur où seule la chance que l’on s’accorde (tant que l’on puisse) est l’unique clef qui ouvre les portes (du paradis ? de l’enfer ?).

 

La noirceur est omniprésente telle des volutes de fumée. Une atmosphère angoissante et terriblement oppressante. Onze récits tous aussi différents les uns que les autres. J’ai été heureuse de retrouver Daniel, héros de Dans la cage, une sorte de préquel à sa propre histoire. Des personnages torturés, pris de remords, qui vacillent entre espoir et désillusion. La croyance en cet avenir meilleur est omniprésent, mais la vie est une sacrée garce farceuse. Ces chances à portée de main, trop souvent insaisissables.

 

J’ai adoré retrouver la plume de Kevin Hardcaslte qui me semble davantage mature dans ce format. Dans son style bien à lui à la frontière entre le récit noir et le récit sociétal, il propose onze nouvelles d’une qualité intransigeante. Une plume où force et réalité se côtoient pour le pire et surtout le pire. L’étincelle salvatrice est rare et délectable. Une cavalcade sans foi ni loi. Pas de remord ni de choix, ni d’espoir, juste la seule constatation morbide que le mal est partout, violent, intransigeant, égoïste. Et pourtant, là, entre les mots, la chance est ici, prête à être saisie et à changer les vies.

 

Kevin Hardcastle est sans contexte un auteur au talent indéniable et à suivre. Un recueil d’une magnifique puissance où les mots m’ont transporté au-delà du possible, aux confins de la tristesse.

 

A découvrir absolument !

 

UNE CHRONIQUE DE #ESMERALDA

OHIO, un premier roman de Stephen Markley.


Par un fébrile soir d’été, quatre anciens camarades de lycée désormais trentenaires se trouvent par hasard réunis à New Canaan, la petite ville de l’Ohio où ils ont grandi.
Bill Ashcraft, ancien activiste humanitaire devenu toxicomane, doit y livrer un mystérieux paquet. Stacey Moore a accepté de rencontrer la mère de son ex-petite amie disparue et veut en profiter pour régler ses comptes avec son frère, qui n’a jamais accepté son homosexualité.
Dan Eaton s’apprête à retrouver son amour de jeunesse, mais le jeune vétéran, qui a perdu un oeil en Irak, peine à se raccrocher à la vie. Tina Ross, elle, a décidé de se venger d’un garçon qui n’a jamais cessé de hanter son esprit.
Tous incarnent cette jeunesse meurtrie et désabusée qui, depuis le drame du 11-Septembre, n’a connu que la guerre, la récession, la montée du populisme et l’échec du rêve américain. Chacun d’entre eux est déterminé à atteindre le but qu’il s’est fixé.
À la manière d’un roman noir, cette fresque sociale et politique hyperréaliste s’impose comme le grand livre de l’Amérique déboussolée et marque l’entrée en littérature d’un jeune écrivain aussi talentueux qu’ambitieux.
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Charles Recoursé.

Intense, magnifique, déboussolant, OHIO, premier roman de Stephen Markley, frappe avec une aisance flippante et une subtile cadence, les mots de la vie.
Roman choral, Stephen Markley martèle le temps au grès des souvenirs et du présent de femmes et d’hommes.

 

Bill Ashcraft porte depuis le 11 septembre un regard noir sur les institutions américaines. Patriote à sa manière, il prône avant tout l’écoute, le partage et ne soutient pas les différentes opérations militaires menées à la suite des attentats. Il devient rapidement la risée du lycée à cause de ses convictions qu’il brandit fièrement. Il trouve un temps son bonheur dans l’humanitaire avant de le mettre aux oubliettes à l’aide de drogues riches et variées. Vaste dégoût du monde dans lequel il évolue, la vie reste à ses yeux une vaste connerie monopolisée par les grandes firmes qui déciment tout.

 

Stacey Moore s’est longtemps cherchée, souvent perdue. L’après Lisa a été une période mouvementée où sa quête la porte aux quatre coins du monde, à la recherche du soi et de l’inattendu. Stacey a grandi dans une famille ultraconservatrice où la religion régit tout. Elle a toujours su qu’elle aimait les filles et Lisa en a été l’ultime preuve jusqu’au jour celle-ci part sans crier garde.

 

Dan Eaton a combattu en Irak. Il a vécu le pire et l’horreur et en portera à jamais des séquelles. La guerre, il a voulu la faire. Il était prêt pour elle. Elle l’a grignoté peu à peu. Elle lui a pris ses plus belles amitiés. Elle a pris des vies. Le retour à la vie n’a pas été sans conséquence. De retour dans sa ville natale, Dan Eaton retrouve l’amour de sa vie le temps d’un soir. Dan était le boutonneux. Il a toujours aimé les livres et rien de le prédestiner à faire une carrière, aussi courte qu’elle fut, au sein de l’armée.

 

Tina Ross était une gentille fille, une de celles qui ne fait pas de vagues. Elle a eu la bêtise de tomber amoureuse d’un des joueurs de foot les plus populaires du lycée. Piégée dans un amour toxique, elle dérive dans la déprime, l’anorexie et les scarifications. Ses souvenirs innommables l’ont toujours bouffée et elle décide enfin de mettre fin à toutes ses souffrances silencieuses.

 

Quatre vies, quatre destins façonnés à l’image de cette ville, de ce pays qui se délitent. Porté par la sublime écriture de Stephen Markley, ce livre aux allures de roman noir est un vrai délice. Il porte aux nues ces hommes et ces femmes qui tentent de trouver leurs places dans un système qui les rejettent inlassablement. Pauvreté, sectarisme, trafic en tout genre, un tableau qui fait froid dans le dos où la réalité en est davantage saisissable. Courage, abnégation, volonté, tout autant de futilités qui ne prennent guère racine. Combats quotidiens, survies, doux rêves au cœur de l’impossible.

 

Après un temps d’adaptation, j’ai été happée par ce roman remarquable. Une atmosphère lourde qui se bâtit au fils des pages au cours des souvenirs et des instants présents. Stephen Markley, poétique et sauvage, narre avec brio la Vie, celle avec un grand V, celle qui laisse des traces indélébiles, celle qui brûle dans chacun de nous. Les petits détails, les petites anecdotes rendent les personnages davantage accessibles. Cette fresque sociale est d’une réalité dérangeante et merveilleuse à la fois car il n’y a pas de filtres, justes cette cruelle réalité, cette vérité dévorante. J’ai été emportée par cette lecture. Une lecture qui recèle bien des secrets. Elle se fait le porte-parole d’une Amérique désenchantée.

 

Regarder ce fleuve de bêtes, c’était regarder un homme qui tente de trancher sa propre langue avec ses dents pour la manger. Malgré les années, elle n’oublierait jamais cette image. Elle penserait à tous ces animaux et serait écrasée par la réalité de ce qui lui arrivait, qui arrivait aux personnes qu’elle aimait, à l’endroit d’où elle venait. Par moments cette sensation s’immiscerait dans son cœur avec la solitude de la mort, et Lisa lui manquerait. Car lorsque l’esprit est consumé par mille dévastations, par le néant, on n’a pas d’autre choix que de rêves de courage.
Une chronique de #Esméralda
 

NICKEL BOYS, un roman poignant de Colson Whitehead.


Prix Pulitzer 2020
Dans la Floride ségrégationniste des années 1960, le jeune Elwood Curtis prend très à coeur le message de paix de Martin Luther King. Prêt à intégrer l’université pour y faire de brillantes études, il voit s’évanouir ses rêves d’avenir lorsque, à la suite d’une erreur judiciaire, on l’envoie à la Nickel Academy, une maison de correction qui s’engage à faire des délinquants des « hommes honnêtes et honorables ».
Sauf qu’il s’agit en réalité d’un endroit cauchemardesque, où les pensionnaires sont soumis aux pires sévices. Elwood trouve toutefois un allié précieux en la personne de Turner, avec qui il se lie d’amitié. Mais l’idéalisme de l’un et le scepticisme de l’autre auront des conséquences déchirantes.
Traduit par Charles Recoursé.

La chronique de #Esméralda :
Je découvre pour la toute première fois la plume de Colson Whitehead. Si UNDERGROUND RAILROAD a fait beaucoup parlé, NICKEL BOYS va en être de même. Deux Prix Pultizer pour un auteur qui, sans doute, confirme son talent d’orateur.
Basé sur des faits réels comme tant qui ont jalonné cet immense pays, la Nickel Academy est le fleuron d’un ségrégationnisme qui en 1960 fait toujours des ravages. Lisa Parks, Martin Luther King, tout autant de figures qui clament haut et fort les injustices raciales. C’est dans cet esprit là que Elwood Curtis a été élevé. Sa grand-mère, femme dévouée, aimante et d’une honorable justesse, est prête à touts les sacrifices pour le bonheur de son petit fils. Elwood est un jeune homme curieux qui aime apprendre, un peu naïf. Il dévore les livres et les paroles de Martin Luther King dans lesquelles il y trouve beaucoup d’espoir. Rentrer à l’université est son rêve et il aura fallu de peu pour qu’il se réalise. Au mauvais endroit au mauvais moment et sa vie bascule en enfer. Jugé et condamné à intégrer la Nickel Academy, Elwood ne voit que le meilleur. Pourtant sous ce verni qui n’a rien de flamboyant se cache l’horreur, l’humiliation, les coups, les manipulations, les privations et le désespoir. Il y connaît le fouet, les lieux sordides qui anéantissent peu à peu sa lumière. Pourtant il suit les recommandations à la lettre, se plie aux règles, ne créent pas de débordements, malgré cela le pire arrive. Il y fait une rencontre déterminante, une de celles qui marque le corps et l’âme, Turner. Un jeune homme qui ne croit plus en rien, les petites magouilles et la survie sont devenus son quotidien. Le temps s’écoule, morne et destructeur, jusqu’à ce jour fatidique.

 

Voici une histoire douloureuse et poignante portée par une plume qui ne peut pas laisser indifférente. Une histoire qui déchire l’âme en une multitude de morceaux. Les mots s’écoulent telle une triste réalité exorcisant l’horreur, l’injustice de n’être qu’un noir parmi tant d’autres. Un roman puissant, intense, où les secondes valent une éternité. Un roman court qui vise l’essentiel. Un orateur tourmenté, anéanti qui crie les blessures invisibles, qui hurle et vomit l’indescriptible. Souvenirs souverains au cœur d’une vie qui ne ressemble plus à aucune. Devoir de mémoire qui s’étiole au grès de nouveaux slogans modernes. Au cœur de l’Amérique de Trump, Colson Withehead abat son poing sur la table et joue carte sur table, devenant un porte parole dont ses mots reflètent sa pleine sagesse.

 

Un roman à découvrir inévitablement et incontestablement.

 

20200927_181556L’avis de #Lilie : J’avais beaucoup entendu parler de Colson Whitehead, j’ai même « Underground railroad » dans ma pile à lire, mais jusqu’à la sortie de son dernier roman, je n’avais pas pris le temps de le découvrir. J’ai comblé cette lacune grâce à un partenariat entre le Picabo River Book Club et les éditions Albin Michel et est découvert un roman fort, marquant, qui ne peut laisser le lecteur indifférent.
Nous faisons connaissance avec le jeune Elwood. Élève brillant, idéaliste, il vit en Floride ségrégationniste mais veut croire que le discours de Martin Luther King ou l’évolution des lois conduira à une égalité entre les blancs et les noirs. Victime d’une erreur judiciaire, il va découvrir la Nickel Academy et les aspects les plus sombres de l’âme humaine. Son idéalisme et son désir de justice survivront-ils à ce séjour ? La société américaine est-elle prête pour plus d’égalitarisme ?
Elwood est un protagoniste très attachant, qui m’a beaucoup touché car c’est un idéaliste, qui pense que le changement des lois entraînera automatiquement une évolution des mentalités. Pourtant, l’âme humaine n’est pas ainsi constituée et il va se rendre compte que l’égalité au sein de la société américaine est une utopie. A Nickel, il va découvrir un environnement violent, basé sur l’arbitraire et pas vraiment sur le mérite. Adepte de l’excellence, il va essayer de s’élever au-dessus de la médiocrité et de faire entendre sa voix… mais à quel prix ? 
Beaucoup le disent, je le confirme ! La plume de Colson Whitehead est percutante, directe et sans filtre. Cette histoire, tirée d’un fait réel, m’a, à de nombreux moments, glacé le sang. Très visuelle, l’écriture de l’auteur nous rend témoin de cette époque où l’égalité ne semblait pas à l’ordre du jour. Elle nous montre aussi à quel point l’être humain peut être cruel dès qu’il a un peu de pouvoir. Le sentiment d’injustice est fortement présent et ne peut que révolter le lecteur. A la lumière de l’actualité, ce roman trouve un fort écho et montre à quel point le chemin à parcourir est encore long.
Récompensé par le prix Pullitzer 2020, ce titre de la rentrée littéraire est, sans nul doute, un incontournable pour tous les amoureux de justice et d’égalité. Il met en lumière l’horreur de la Nickel Academy mais aussi l’importance de la force de caractère et des valeurs comme le travail. 

LE NOIR ENTRE LES ÉTOILES de Stefan Merrill Block.


« À la fois un garçon et une légende: tu avais dix-sept ans lorsqu’une balle de calibre .22 t’a scindé en deux. Dans un des deux mondes, celui qui gravite autour de ton lit d’hôpital, tu es devenu le Martyr de Bliss, Texas. Tu t’es changé en un spectre qui flotte au-dessus de la population clairsemée de ta ville natale dévastée, porteur tour à tour d’espérance, de désespoir et de consolation. »
Dix ans après une terrible tuerie dans son lycée, Oliver Loving est toujours plongé dans un coma profond. Brisée par le drame, sa famille s’est désunie : son père, Jed, un artiste raté, a trouvé refuge dans l’alcool, et sa mère, Eve, s’obstine à garder espoir, refusant e son fils soit débranché. Quant à Charlie, leur cadet qui se rêve écrivain, il a quitté le Texas pour vivre librement son homosexualité à New York et fuir l’ombre pesante de son grand frère. Mais lorsqu’un nouvel examen révèle chez Oliver les signes d’une activité cérébrale, tous trois se retrouvent à son chevet, dans l’espoir d’avoir enfin une réponse à toutes leurs questions.
Après le succès d’Histoire de l’oubli, Stefan Merrill Block signe un roman bouleversant sur la famille, la fin de vie et la résilience. Alternant subtilement les points de vue, Le noir entre les étoiles interroge de manière intime l’expérience du traumatisme et aborde une question essentielle : qu’est-ce qu’une vie digne d’être vécue ?

 
Immersif, LE NOIR ENTRE LES ETOILES captive par cette étrange intrusion aux cœurs de ces vies détruites. Une à une, leurs voix se délient dans un temps intemporel ou passé et présent ne forment plus qu’un.
Une famille ordinaire avec leurs espoirs et leur travers. Jed, le papa, est un artiste maudit et incompris. Eve, la maman, s’évertue à rendre la vie paisible à tous. Charlie, le petit frère homosexuel, cherche sa voie. Et Oliver rêve d’écriture et d’amour.

 

Puis ce jour fatidique sonne le glas de ces vies, le 15 novembre, la mort s’invite dans le lycée lors du bal tant attendu. Des morts et un blessé, Oliver a tout jamais perdu dans un monde dont on ignore tant. Il est emmuré dans ce corps qui ne vit que grâce à ces machines infernales. Les années défilent et la famille éclate. Une mère désillusionnée qui s’accroche tant bien que mal à un espoir si ténu et qui ne renoncerait pour rien au monde à son rôle de mère. Jed se perd dans l’alcool, ignorant conscient de ses responsabilités bafouées. Charlie, petit garçon éternel à la recherche de l’approbation parentale, s’ignore et suit cette voie qui lui semble tant judicieuse. Rendre honneur à son frère et devenir lui, lui tient tant à cœur.

 

Dix années à Oliver à espérer dans ce silence teinté de noir, de lumière et de tant d’autres souvenirs. Un méli mélo puissant et destructeur où la vie est une grande farceuse. Question existentielle, question métaphysique, question unique Pourquoi ?

 

Stefan Merrill Block décortique avec sensibilité et frénésie une famille touchée par le drame. Les points de vue alternant entre le avant et le après apportent cette touche intime et profonde où âmes, peines, colères et abandon jouent au chat et à la souris. La perte, le deuil, l’acceptation tout autant d’épreuves à franchir sur le chemin de la résilience. L’attrait psychologique des personnages est impressionnante. Ces petits détails, ces rengaines, ces soupirs donnent au récit cette touche irréelle de l’immersion. Les émotions qui traversent les personnages sont d’une rare force. Elles touchent en plein cœur, elles révoltent, elles attristent, elles peinent. Leur force aussi destructrice soit-elle, à ce quelque chose de rédempteur.

 

LE NOIR ENTRE LES ETOILES est une merveilleuse découverte de ce début d’année. Un livre accaparant et d’une vérité insoutenable. Un livre douloureux et puissant. Une livre où la liberté d’être entendu est une bataille féroce. Un livre salvateur.

 

A découvrir sans aucun doute et pour ma part je rajoute dans ma liste de mes envies Histoire de l’oubli que vous avez peut-être lu.

 

Et justement, c’est à l’instant précis où tu te soulèves au-dessus du sol instable que l’énergie détectée par les appareils du médecin explose violemment à l’intérieur de toi. La lumière arrache la doublure de tes vêtements et la matière de ta peau, faisant voler tous les boutons d’un seul coup. La conflagration est si puissante que ces précieux petits fragments, au lieu de retourner vers le passé comme ils le faisaient jusque-là, prennent les airs comme l’exact contraire des balles d’Hector Espina, des projectiles qui ouvrent une histoire au lieu de la clore. La gerbe des boutons s’éparpille, en route vers un monde neuf où tu seras en même temps partout et nulle part. Et toi, tu commences, déjà à les poursuivre, lancé vers l’avenir.
 
Une chronique de #Esméralda.

ICI N’EST PLUS ICI de Tommy Orange.

[ LITTÉRATURE NORD AMÉRICAINE – Rentrée littéraire 2019 ]
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Stéphane Roques
Éditions ALBIN MICHEL – Collection Terres d’Amérique
352 pages
Ma note : 4,5/5 mention « incontournable 2019 »
Lien Kindle
 
Le résumé :
À Oakland, dans la baie de San Francisco, les Indiens ne vivent pas sur une réserve mais dans un univers façonné par la rue et par la pauvreté, où chacun porte les traces d’une histoire douloureuse. Pourtant, tous les membres de cette communauté disparate tiennent à célébrer la beauté d’une culture que l’Amérique a bien failli engloutir. À l’occasion d’un grand pow-wow, douze personnages, hommes et femmes, jeunes et moins jeunes, vont voir leurs destins se lier. Ensemble, ils vont faire l’expérience de la violence et de la destruction, comme leurs ancêtres tant de fois avant eux.
Débordant de rage et de poésie, ce premier roman, en cours de traduction dans plus d’une vingtaine de langues, impose une nouvelle voix saisissante, véritable révélation littéraire aux États-Unis. Ici n’est plus a été consacré « Meilleur roman de l’année » par l’ensemble de la presse américaine. Finaliste du prix Pulitzer et du National Book Award, il a reçu plusieurs récompenses prestigieuses dont le PEN/Hemingway Award.

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Cela fait depuis quelques temps que je pense à me lancer dans les chroniques vidéos. Et aujourd’hui je saute dans le vide. Je ne le ferrais pas tous les jours, mais je me donne comme objectif une fois par mois (je vais rester raisonnable). Je tenais toutefois à laisser mes doigts courir le clavier et en quelques lignes décrire mon ressenti. Vous pouvez néanmoins regarder la vidéo (support IGTV) à vos risques et périls, je ne suis pas certaine d’être compréhensible et je vous l’accorde je suis loin d’être à l’aise.

 

ICI N’EST PLUS ICI laisse pantois. Difficile de mettre les mots adéquats sur ce roman choral, le premier de Tommy Orange. Un roman choral particulièrement prenant où les mots fusent telles des balles accaparant le lecteur dans une tornade infernale. ICI N’EST PLUS ICI n’a rien de merveilleux. Portrait d’une communauté désenchantée, engloutie par l’égoïsme et l’arrogance de l’homme blanc. Les désillusions ont pris possession de ces femmes et de ces hommes arrachés à leur croyance, à leur vies et à leurs espérances depuis des décennies. Massacre consensuel et voulu, tout en silence, d’un art de vivre en adéquation avec la nature et les esprits.

 

12 personnages, 12 vies intrinsèques qui portent aux nues le désarroi incommensurable de tout un peuple. Alcool, violence, abandon, dépression, tout autant de maux qui trouvent leurs sources dans cet héritage arraché. Pourtant l’espoir perce dans ces petits trucs de rien du tout : un enfant qui enfile un costume et qui ne cesse de danser, un tambour qui résonne, des chants, un homme et sa caméra qui capturent ses instants dérisoires et le grand pow-wow, rassemblement de souvenirs. Un héritage qui persiste et dure, un héritage nécessaire quand les mots disparaissent d’une génération à l’autre ou quand cet héritage est bien trop lourd à porter.

 

Un roman puissant porter par les mots poétiques et judicieux d’un auteur hors norme.

 

Nous sommes l’ensemble des souvenirs que nous avons oubliés, qui vivent en nous, que nous sentons, qui nous font chanter et danser et prier comme nous le faisons, des sentiments tirés de souvenirs qui se réveillent ou éclosent sans crier gare dans nos vies, comme une tache de sang imbibe la couverture à cause d’une blessure faite par une balle qu’un homme nous tire dans le dos pour récupérer nos cheveux, notre tête, une prime ou simplement pour se débarrasser de nous. […]
Être indien en Amérique n’a jamais consisté à retrouver notre terre. Notre terre est partout ou nulle part. […]
Mais pour les Autochtones de ce pays, partout aux Amériques, se sont développés sur une terre ancestrale enfouie le verre, le béton, le fer et l’acier, une mémoire ensevelie et irrécupérable. Il n’y a pas de là, là : ici n’est plus ici.
 
Une chronique de #Esméralda

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… le site des éditions Albin Michel (vidéo et extraits).

… le Picabo River Book Club.

 

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Un grand merci à Léa et au Picabo River Book Club.

LA DERNIÈRE CHANCE DE ROWAN PETTY de Richard Lange.

 
[ LITTÉRATURE CONTEMPORAINE ÉTRANGÈRE – Nouveauté 2019 ]
Éditions ALBIN MICHEL – Collections TERRES D’AMERIQUE
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Patricia Barbe-Girault
416 pages
Ma note : 3/5
Lien Kindle
 
Le résumé :
Rowan Petty est un escroc à bout de souffle. Quand il n’arnaque pas des veuves esseulées, il triche au poker. Sa femme l’a quitté pour un autre escroc, sa fille ne lui parle plus depuis sept ans, et même sa voiture l’a planté… Jusqu’au jour où une vieille connaissance lui propose une dernière chance : filer à L.A. où des soldats en poste en Afghanistan auraient planqué deux millions dollars détournés. En compagnie de Tinafey, une sublime prostituée lasse de tapiner et avide d’aventures, il file en direction du Sud. Un jeu dangereux commence auquel vont se retrouver mêlés un vétéran blessé, un acteur fini, et la fille de Petty. Pour le gagnant : une fortune. Pour le perdant : une balle dans la tête.
On retrouve l’univers à la fois sombre, jubilatoire et attachant de l’auteur de Dead Boy et Angel Baby. Un hommage au roman noir, aussi efficace que maîtrisé.
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Dans la vie Rowan Petty a toujours joué avec la corde raide et survivre dans un monde où le bien et le mal n’est pas franchement défini et encore tout dépend du point de vue. Rowan a la débrouille dans le sang. Petits coups montés à la sauvette pour se faire quelques billets rapidement, d’autres bien plus élaborés et puis y a le jackpot. Le coup d’une vie qui ne se présente qu’une seule fois. Rowan a le cuir dur, de ceux qui ont roulé leur bosse et qui connaissent toutes les ficelles du métier, car s’en est bien un. Rowan a connu le temps où il était le roi des magouilles en tout genre et les poches remplies d’oseilles. Il a côtoyé la chance qui se fait la malle une fois sur deux, mais ce sont là les risques du métier. Rowan est un gars bien sympathique dont il faut tout de même se méfier, il a la verbe des manipulateurs qui seraient capable de vous vendre un bout de papier en vous confirmant que vous allez devenir riche. Rowan a connu son temps où la malchance lui collait aux baskets et les coups durs, comme le jour où sa femme le quitte pour son meilleur pote se retrouvant ainsi avec leur gamine sur les bras. Sam est son rayon de soleil et il se rappelle tout de cette petite bouille qu’il a du laissé à sa mère. Un choix dur mais œuvré dans le but de protéger son unique trésor. Rowan est ni un looser ni un lâcheur. Quelques soient les défaites ou les déroutes, il trouve toujours un moyen de rebondir. La débrouillardise et la témérité sont des atouts précieux dans un monde de chacals prêts à dévorer les restes. Rowan Petty est au antipode d’une super héros, il mérite pourtant votre attention.

 

Direction la Californie pour le coup du siècle. Motel miteux, banlieue craignos, filature, une petite Sam qui a bien grandi, une prostituée Tinafey extraordinaire, un acteur qui a perdu de son prestige, un vétéran estropié, une ex femme et son nouveau mari et deux millions de dollars. Résultat : une sacrée course contre la montre où les balles fuseront dans un certain chaos.

 

Je découvre pour la première fois la plume énergique de Richard Lange et son univers. Une ambiance glauque où le glamour a très peu de place. Des endroits miteux, des gens dingues et peu fréquentables, de la folie, de la douleur, du sang, de complots, des mensonges, tout autant d’ingrédients qu’aime mettre en valeur Richard Lange. Le underground américain où le rêve s’est fait la malle depuis belle lurette. Cette lecture ne m’a pas subjugué. Pourtant j’ai aimé découvrir ce Rowan Petty auquel j’ai fini par m’attacher. Il n’y a pas de véritables surprises tout au long de la lecture. Certaines longueurs redondantes apparaissent ici et là. La psychologie des personnages est soignée et éclectique et est, à mon sens, la force de ce roman.

 

Ni enflammée ni déçue, LA DERNIÈRE CHANCE DE ROWAN PETTY m’a permis de découvrir un auteur et par l’occasion de rallonger ma pile à lire avec DEAD BOYS (nouvelles) et ANGEL BABY.

 

#Esméralda

 
Je remercie Monsieur Geffard pour sa confiance.

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… le site des éditions Albin Michel

… le site officiel de Richard Lange.