
Ah Cyrano de Bergerac ! Un personnage du théâtre connu de tous pour son nez et sa fameuse tirade. Personnellement, c’est un héros que j’ai vraiment découvert jeune lorsque, au cours de vacances en famille, j’ai visité avec ma maman la maison d’Edmond Rostand, l’auteur de cette pièce. Cette maison, elle s’appelle Arnaga et elle se trouve à Cambo les Bains, en plein cœur du Pays Basque français.
Au cours d’un séjour au Pays basque, Edmond Rostand tombe amoureux de cette région et achète un terrain proche d’un cours d’eau qui se nomme l’Arraga. Il fait construire sa maison sur cette parcelle et choisit, pour baptiser sa maison, de reprendre le nom du cours d’eau légèrement transformé pour que ce soit plus doux à l’oreille. Arnaga sort de terre au début du 20ème siècle et a été le lieu d’où Edmond Rostand a écrit Chantecler. Cette maison, de style néo-basque est entourée d’un côté, d’un magnifique jardin à la française, et de l’autre, un jardin à l’anglaise. Cette maison était un refuge pour l’auteur qui y a passé beaucoup de temps pour fuir Paris. Académicien et auteur à succès, il mourra le 2 décembre 1918 de la grippe espagnole.
J’ai visité cette maison à de nombreuses reprises car j’ai eu un véritable coup de cœur pour elle. En effet, c’est une maison que l’on sent pleine de vie, pleine de couleur et on sent une véritable âme à l’intérieur. A noter qu’il y a dans cette maison le césar gagné par Gérard Depardieu pour son rôle de Cyrano de Bergerac et une pendule qui compte 14 heures. En effet, étant auteur à succès, Edmond Rostand attirait les piques-assiettes. Cependant, tout le monde savait qu’il terminait sa pause repas à 14h. Donc quand des personnes envahissantes arrivaient pendant ce temps de pause méridienne et que la pendule sonnait 14h, les personnes étaient raccompagnées à la porte…..sauf qu’en fait, il était 12h !! Cette pendule trompeuse correspond donc tout à fait à l’expression « chercher midi à 14 heures ».
Ci-dessus, la villa Arnaga et ses magnifiques jardins à la française.
Parlons maintenant de Cyrano de Bergerac, LE grand succès d’Edmond Rostand. Pièce longue, qui dure près de 3h et découpée en 5 actes, elle est écrite quasi-exclusivement en alexandrins et comprend un nombre impressionnants de personnages. Cependant, trois personnages se détachent : Cyrano, Roxane et Christian. Cyrano aime Roxane mais est complexé par son nez. Le jour où il souhaite se déclarer, Roxane lui avoue son amour pour Christian. Ce dernier est incapable de mettre des mots sur ce qu’il ressent. Cyrano va donc se donner pour mission d’aider Christian à séduire Roxane. Ce triangle amoureux va rendre Roxane folle d’amour pour les paroles de Cyrano, va rendre Christian mal à l’aise à l’idée de ne pouvoir s’exprimer avec ses mots à lui et enfin va rendre Cyrano malheureux de devoir cacher son amour pour la belle Roxane.
Jeudi, j’ai enfin pu voir cette pièce sur scène. Elle est jouée à l’Escale de Tournefeuille, par la compagnie Grenier de Toulouse. Mis en scène par Laurent Collombet, qui réalise son rêve en interprétant le rôle de Cyrano. La mise en scène est moderne (utilisation de masques pour la plupart des personnages, une annonce d’entracte digne d’un dessin animé) mais elle n’enlève rien à la beauté du texte d’Edmond Rostand. La beauté du texte est mise en valeur et on se sent transporté avec les acteurs, au cœur de l’action. Les scènes de combat à l’épée sont criantes de réalisme et m’ont beaucoup plu !! La scène du balcon, où Cyrano déclare son amour à Roxane en laissant croire à cette dernière que c’est Christian qui parle, caché dans la pénombre, a particulièrement touché mon âme de romantique et on ressent, à travers cette scène, toute la sincérité des acteurs qui rendent ainsi hommage à la beauté du texte.
Pour conclure, si vous êtes amateurs de classiques de la littérature française, n’hésitez à aller voir cette pièce, si vous en avez l’occasion. Le texte en alexandrin est un plaisir à écouter et on ne voit pas passer les 3 heures de représentations. Laissez-vous emporter par cette pièce qui est un hymne à l’amour et une réflexion également sur la différence.
Résumé : Le nez de Cyrano s’est mis en travers de son cœur. La belle Roxane aime ailleurs, en l’espèce un cadet sans esprit mais de belle apparence, Christian de Neuvillette.
La pièce de Rostand met en scène la tragique complicité entre deux moitiés d’homme, et s’achève sur une évidence en forme d’espérance : sous les traits de Christian, ce n’était pas moins que l’âme de Cyrano qu’aimait Roxane.
Juste pour le plaisir, je partage avec vous la célèbre « tirade du nez » :
Cyrano.
Ah ! non ! c’est un peu court, jeune homme !
On pouvait dire… Oh ! Dieu ! … bien des choses en somme…
En variant le ton, – par exemple, tenez :
Agressif : « Moi, monsieur, si j’avais un tel nez,
Il faudrait sur-le-champ que je me l’amputasse ! »
Amical : « Mais il doit tremper dans votre tasse
Pour boire, faites-vous fabriquer un hanap ! »
Descriptif : « C’est un roc ! … c’est un pic ! … c’est un cap !
Que dis-je, c’est un cap ? … C’est une péninsule ! »
Curieux : « De quoi sert cette oblongue capsule ?
D’écritoire, monsieur, ou de boîte à ciseaux ? »
Gracieux : « Aimez-vous à ce point les oiseaux
Que paternellement vous vous préoccupâtes
De tendre ce perchoir à leurs petites pattes ? »
Truculent : « Ça, monsieur, lorsque vous pétunez,
La vapeur du tabac vous sort-elle du nez
Sans qu’un voisin ne crie au feu de cheminée ? »
Prévenant : « Gardez-vous, votre tête entraînée
Par ce poids, de tomber en avant sur le sol ! »
Tendre : « Faites-lui faire un petit parasol
De peur que sa couleur au soleil ne se fane ! »
Pédant : « L’animal seul, monsieur, qu’Aristophane
Appelle Hippocampéléphantocamélos
Dut avoir sous le front tant de chair sur tant d’os ! »
Cavalier : « Quoi, l’ami, ce croc est à la mode ?
Pour pendre son chapeau, c’est vraiment très commode ! »
Emphatique : « Aucun vent ne peut, nez magistral,
T’enrhumer tout entier, excepté le mistral ! »
Dramatique : « C’est la Mer Rouge quand il saigne ! »
Admiratif : « Pour un parfumeur, quelle enseigne ! »
Lyrique : « Est-ce une conque, êtes-vous un triton ? »
Naïf : « Ce monument, quand le visite-t-on ? »
Respectueux : « Souffrez, monsieur, qu’on vous salue,
C’est là ce qui s’appelle avoir pignon sur rue ! »
Campagnard : « Hé, ardé ! C’est-y un nez ? Nanain !
C’est queuqu’navet géant ou ben queuqu’melon nain ! »
Militaire : « Pointez contre cavalerie ! »
Pratique : « Voulez-vous le mettre en loterie ?
Assurément, monsieur, ce sera le gros lot ! »
Enfin parodiant Pyrame en un sanglot :
« Le voilà donc ce nez qui des traits de son maître
A détruit l’harmonie ! Il en rougit, le traître ! »
– Voilà ce qu’à peu près, mon cher, vous m’auriez dit
Si vous aviez un peu de lettres et d’esprit
Mais d’esprit, ô le plus lamentable des êtres,
Vous n’en eûtes jamais un atome, et de lettres
Vous n’avez que les trois qui forment le mot : sot !
Eussiez-vous eu, d’ailleurs, l’invention qu’il faut
Pour pouvoir là, devant ces nobles galeries,
me servir toutes ces folles plaisanteries,
Que vous n’en eussiez pas articulé le quart
De la moitié du commencement d’une, car
Je me les sers moi-même, avec assez de verve,
Mais je ne permets pas qu’un autre me les serve.

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