LITTÉRATURE CLASSIQUE NORD-AMÉRICAINE
ÉDITIONS FOLIO
«Les deux hommes levèrent les yeux car le rectangle de soleil de la porte s’était masqué. Debout, une jeune femme regardait dans la chambre. Elle avait de grosses lèvres enduites de rouge, et des yeux très écartés fortement maquillés. Ses ongles étaient rouges. Ses cheveux pendaient en grappes bouclées, comme des petites saucisses. Elle portait une robe de maison en coton, et des mules rouges, ornées de petits bouquets de plumes d’autruche rouges.»


Ma note 5/5 mention « incontournable »
176 pages
Disponible en poche occasion
L’AVIS DE #LILIE
Voilà un classique de la littérature Nord-Américaine qui traînait depuis longtemps dans ma bibliothèque. Quand j’étais au lycée, on avait regardé le film en cours d’anglais et je me rappelle avoir été attendrie par l’histoire. C’est donc avec joie, à l’occasion d’une lecture commune avec Esméralda, que j’ai sorti ce roman de ma PAL.
Nous faisons ici connaissance avec Lennie et George, deux voyageurs qui passent de ranch en ranch pour proposer leurs services. Leur but ? Économiser suffisamment pour avoir leur ranch à eux mais il leur est bien difficile de conserver un travail. En effet, Lennie est un homme grand par sa taille mais petit dans son esprit. Inconscient de sa force, un peu limité intellectuellement, ses actes ne sont pas en adéquation avec ce qu’il pense ou aimerait faire. Leur arrivée dans un nouveau ranch est un espoir d’un nouveau départ mais arriveront-ils à réaliser leur rêve ?
George est un travailleur acharné, volontaire, qui prend soin de Lennie depuis plusieurs années. Il se comporte comme un grand frère avec lui, voulant l’aider à ne pas faire de vagues. Malheureusement, son compère se laisse parfois déborder par ses émotions et il a bien du mal à moduler sa force. Dans quelle mesure George pourra-t-il continuer à supporter cette vie sur les routes ?
Comme dans le film, j’ai été touchée par la relation entre Lennie et Georges. Entre amitié et fraternité, George tente de jouer l’ange gardien pour son compère mais en un instant, tout peut basculer. Lennie est attachant par sa fragilité émotionnelle, sa faculté à s’attendrir de tout mais son gabarit et sa force le rendent aussi imprévisible.
Ce court roman peut se lire d’une traite tant la plume de l’auteur est fluide et visuelle. Il y a, au final, peu d’action mais la lecture est rythmée par les rencontres et les évènements qui surviennent au ranch. L’intensité monte crescendo jusqu’à un final à couper le souffle. On espère, on tremble, on a le ventre qui se serre tant on craint pour Lennie et on espère qu’il arrivera à avoir son petit chien et ses lapins en compagnie de Georges. La vie va-t-elle lui faire ce cadeau ? C’est à vous de le découvrir !
L’AVIS DE #ESMÉRALDA
Lire du Steinbeck c’est ouvrir la fenêtre sur un monde sensible et rustre. DES SOURIS ET DES HOMMES est une histoire d’une banalité affligeante. Oui mais de celle qui vous pousse dans les retranchements sans que vous vous en aperceviez. C’est l’histoire intemporelle d’une amitié sans limite. Une de celles pour laquelle vous serriez prêt à tout, même à balancer vos rêves aux oubliettes et poursuivre un de ceux que vous confectionneriez ensemble.
Conte moderne où se côtoient la force de la vie et l’âme d’un enfant emprisonné dans le corps d’un homme hors norme. Lennie est un mastodonte, une force de la nature, dont il n’en mesure pas les conséquences éventuelles. Lennie est un fin observateur et un doux rêveur. Il sait qu’il est un poids pour Georges et lui est reconnaissant de prendre soin de lui. Mais Lennie a des impulsions qu’il n’arrive pas à maîtriser. Ses émotions le fracassent et le poussent souvent à commettre l’irréparable. Un lourd fardeau pour ce binôme qui se plaît à vagabonder sur les routes, de ranch en ranch. A chaque fois, un nouveau départ, un nouvel espoir de mettre assez d’argent de côté dont le but précieux est d’acheter leur propre ranch où lapins et chien feraient le bonheur de Lennie.
Steinbeck nous livre au cours de ce court roman le portrait intimiste de ces personnages mythiques de l’ouest où la nature a une place primordiale mais où les hommes se complaisent dans cet état de rigueur absolu. Les simples moments de bonheur se résument à la sortie en ville, à ce jeu devant le dortoir, à la cigarette, à la boisson. La parole est rude, les rêves un doux euphémisme. L’homme jaloux, le vieux grabataire, le noir exclu, le blanc et son flingue, l’intelligent, la femme désillusionnée. Les mots sont superflus alors que les actions et les gestes sont valeurs d’or. La tristesse est un état nauséabond et les souvenirs un passé lointain. Pourtant l’arrivée de Lennie et de Georges va bouleverser ce quotidien monotone. Et les mots vont fleurir et s’épancher et pourquoi pas panser ces vielles blessures.
La plume de Steinbeck a ce quelque chose d’extraordinaire qui vous capture en un rien de temps. Sans filtre, sans enjolivement, il narre la réalité, crue et dure. Le monde alors de ces travailleurs prend forme sous vos yeux et vous devenez cette petite souris spectatrice malgré elle de ce monde introverti et captif de mœurs.
Puissant et sensible, DES SOURIS ET DES HOMMES a cette particularité de vous surprendre par cette simplicité si proche de la réalité. De nombreuses subtilités sont glissées ici et là et c’est un roman que je relirais plus tard afin d’en mesurer toute sa splendeur. Je découvre Steinbeck pour la première fois et c’est une merveilleuse rencontre que je vais poursuivre.
– Qu’est-ce qu’ils peuvent bien avoir qui leur fait mal, ces deux-là, t’as idée, toi ?