


Micah Mortimer, la petite quarantaine routinière, coule des jours heureux dans un quartier tranquille de Baltimore. En voiture, au travail ou avec sa petite amie, il ne dévie jamais de sa route toute tracée – jusqu’au jour où il trouve Brink Adams qui l’attend sur le pas de sa porte.
Car l’adolescent fugueur en est sûr, Micah est son père biologique… Pour l’homme qui aimait ses habitudes, cette seconde chance sonne comme une malédiction.

Anne Tyler décrit avec une certaine passion bouleversante, le quotidien de Micah Mortimer. Un quotidien qui vous paraîtrait certainement ennuyeux voire morne. Un quotidien pourtant si réconfortant pour un homme aux exigences bien trop prononcées.
Micah Mortimer fait partie de la classe moyenne américaine. Chef de sa propre entreprise, Micah vivote ici et là dans son appartement au sous-sol. Micah est un pro des planning auxquels il ne déroge jamais : le lundi c’est ça, le mardi autre chose, le mercredi un autre etc. … Son planning est essentiellement composé de tâches ménagères. Le réveil suit un rituel facétieux : footing, douche, petit déjeuner et ménage avant d’attaquer selon les appels reçus les interventions informatiques chez les particuliers. Son appartement au sous-sol est d’une propreté immaculée où le désordre n’a pas sa place. Micah est un homme rigoureux et s’en défend particulièrement bien. Il aime aider ses voisins pour que tout soit en ordre et s’occupe volontiers de sortir les containers. Tout cela dans un ordre prédéfini.
Micah paraît étrange. Ses réactions ne sont pas celles auxquelles on pourrait s’attendre. Il est d’un calme effroyable et rien ne semble l’atteindre. Alors quand ce jeune homme sur le pas de sa porte, prétend être son fils. C’est la goutte qui fait déborder le vase. Cette remise en question sera-t-elle le symbole d’un changement majeur ?
Je découvre pour la toute première fois la plume de Anne Tyler. Un plume qui aime les petits détails dans les grands et qui n’hésite pas à utiliser de grandes envolées lyriques pour accentuer ces descriptions savoureuses et utiles. Anne Tyler décortique ces hommes et femmes qui se perdent dans la frénésie et l’obsession du tout, et dans le contrôle absolu du temps qui passe. Micah est un personnage attachant et non rébarbatif. Ses réflexions, sa manière d’agir (souvent très maladroite), sa manière de réagir, sa manière de concevoir les relations avec les autres, ses attitudes, sa manière d’être dressent le tableau de cet homme avec empathie. Il est drôle justement de voir comment l’homme frigide s’adapte face aux éléments perturbateurs.
UN GARÇON SUR LE PAS DE LA PORTE est une belle balade aux côtés d’un homme singulier qui s’égare dans ses conceptions particulières de la vie. Anne Tyler dresse le portrait de l’atypique avec humour et détachement.
Quand Micah était au volant, il aimait faire comme s’il était examiné par un système de surveillance qui épiait tous ses faits et gestes. Le fieu de la Circulation, l’appelait-il. Au centre de commandement du dieu de la Circulation se trouvait une armada d’hommes en bras de chemise et visière verte sur la tête, qui échangeaient régulièrement des commentaires sur la conduite parfaite de Micah. « Notez comme il met son clignotant même lorsqu’il n’y a personne derrière lui », disaient-ils. Micah mettait toujours, absolument toujours, son clignotant. Même dans son parking. Quand il accélérait, il se figurait qu’il y avait un œuf sous sa pédale, comme on le lui avait appris ; quand il freinait, il le faisait de façon progressive, jusqu’à s’arrêter sans le moindre à-coup ou presque. Et si un autre conducteur estimait au dernier moment qu’il avait besoin de s’insérer dans la file de Micah, on pouvait compter sur celui-ci pour ralentir et faire un signe courtois de la main gauche, paume tournée vers le haut, indiquant qu’il le laissait passer. « Vous avez vu ça ? disaient les agents du dieu de la Circulation. Les manières de ce brave homme sont impeccables. »
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