GIRL de Edna O’Brien.


Girl est un roman sidérant, qui se lit d’un souffle et laisse pantois. Écrivant à la première personne, Edna O’Brien se met littéralement dans la peau d’une adolescente enlevée par Boko Haram. Depuis l’irruption d’hommes en armes dans l’enceinte de l’école, on vit avec elle son rapt, en compagnie de ses camarades de classe ; la traversée de la jungle en camion, sans autre échappatoire que la mort pour qui veut tenter de sauter à terre ; l’arrivée dans le camp, avec obligation de revêtir uniforme et hijab.
La faim, la terreur, le désarroi et la perte des repères sont le lot quotidien de ces très jeunes filles qui, face aux imprécations de leurs ravisseurs, finissent par oublier jusqu’au son de leurs propres prières. Mais le plus difficile commence quand la protagoniste de ce monologue halluciné parvient à s’évader, avec l’enfant qu’elle a eu d’un de ses bourreaux. Après des jours de marche, un parcours administratif harassant lors de son arrivée en ville, celle qui a enfin pu rejoindre son village et les siens se retrouve en butte à leur suspicion ¿ et à l’hostilité de sa propre mère. Victime, elle est devenue coupable d’avoir introduit dans leur descendance un être au sang souillé par celui de l’ennemi. Écrit dans l’urgence et la fièvre, Girl bouleverse par son rythme et sa fureur à dire, une fois encore, le destin des femmes bafouées. Dans son obstination à survivre et son inaltérable confiance en la possible rédemption du cœur humain, l’héroïne de ce très grand roman s’inscrit dans la lignée des figures féminines nourries par l’expérience de la jeune Edna O’Brien, mise au ban de son pays alors qu’elle avait à peine trente ans. Devenue un des plus grands écrivains de ce siècle, elle nous offre un livre d’une sombre splendeur avec, malgré tout, au bout du tunnel, la tendresse et la beauté pour viatiques.

 
Percutant, destructeur, d’un réalisme époustouflant, où terreur et espoir se partagent une histoire hors norme, Girl nous plonge dans le chaos insoutenable d’une vie détruite au nom de la barbarie.
J’avais beaucoup entendu parler de ce roman à sa sortie. Je ne m’étais pas plongé dans la lecture des nombreuses chroniques qui fleurissaient sur la blogosphère. Girl avait retenu mon attention et j’ai été très enthousiaste de pouvoir le lire.

 

Edna O’Brien dépeint dans cette fiction une histoire foudroyante. Cela n’est pas sans me rappeler ce terrible événement en avril 2014 au Nigeria, l’enlèvement de plus de deux cent lycéennes par Boko Haram. Edna O’Brien prend le partie d’écrire son histoire à la première personne donnant cette immersion déplaisante dans le sens où les émotions de l’héroïne sont davantage percutantes. De cette façon, Edna O’Brien frappe fort et marque les esprits. Une immersion glaçante, suffocante, sanglante, insoutenable, pétrifiante où il se dégage, tout de même, au fil des pages une once d’espoir. L’état d’esprit de la captive se dégrade, mêlant le conscient et l’inconscient dans ce ballet morbide où la survie devient une nécessité. Réalité et irréalité se confrontent également perdant le lecteur dans les abysses de l’insaisissable.

 

Le parcours de cette femme est un véritable enfer du début à la fin. Sur fond de religion et de superstition, pas à pas la fureur s’invite dans ce silence imposant où le cœur de la victime ne cesse de hurler son désarroi. Le mutisme et l’absolution cohabitent malgré le déchaînement de ses pensées, de sa folie équivoque. Alors que ses pas la portent vers une certaine liberté, des rencontres vont bouleverser ce quotidien morne. Des rencontres libératrices et révélatrices qui la mènent vers une terre où le simple bonheur semble se laisser conquérir.

 

Une lecture bouleversante portée par une verbe acérée, Edna O’Brien ne laisse aucun répit. Dramatique est le seul mot pour vous décrire ce que j’ai ressenti. Un mot pourtant si faible et si loin de décrire l’ensemble du roman. Une œuvre qui me semble intemporelle et inévitable temps que des régions du monde seront aux prises de la folie. Une œuvre pour ne pas oublier leurs souffrances et leurs cris aux prises d’une société à deux vitesses. Une œuvre marquée par la splendeur glaçante de l’abominable.

 

Un incontournable pour cette année 2020 que je vous invite à découvrir.

 

Chacune cherchait un coin où s’isoler, car même si on était des salopes pour eux, et qu’on se trouvait répugnantes, on s’accrochait aux derniers lambeaux de dignité. Chaque fille cherchait un coin à soi, puis une flaque ou un ruisseau pour se laver. Et chacune de nous priait que les prochaines règles viennent. Des filles mangeaient des racines ou de feuilles pour une pas être enceintes. L’éclat cramoisi du sang sur ces grands brins d’herbe était notre unique délivrance. Je regardais le mien et rendais grâce. Je pensais à ma mère, si j’étais à la maison, comment elle serait aux petits soins pour moi, avec de l’eau chaude et une serviette m’expliquant que c’était le cours de la nature.

 

Une chronique de #Esméralda.

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